Pierre TRITZ (1,2), Cécile BECK (3), Sylvie LECOLLINET (1,3), Stephan ZIENTARA (3) et Agnès LEBLOND (1,4)
Pourquoi de telles flambées en Europe ?
Deux études sérologiques avaient déjà révélé des traces de circulation virale dans le nord du pays de la Grèce : en 1980, 20,4% des chevaux de la région présentait des anticorps contre le virus WN ; de 2001 à 2004, des chevaux séropositifs étaient retrouvés dans 36 des 49 régions étudiées. Cependant, en 2010, des cas cliniques sont rapportés dans de nouvelles régions d’Europe.
L’ampleur de l’épidémie observée en Grèce en 2010 reste à expliquer. Les souches pathogènes du virus de West Nile sont classées, sur la base de leur séquence génétique, en 2 lignages principaux : les souches du lignage 1, responsables de la majorité des foyers identifiés en Europe et sur le continent américain et les souches du lignage 2, décrites en dehors de leur berceau africain depuis 2004 en Hongrie, en 2007 en Russie à Volgograd et depuis 2008 en Autriche. L’analyse de la séquence nucléotidique de l’isolat viral grec 2010 a montré une homologie de séquence de plus de 99% avec la souche de lignage 2 qui avait été caractérisée pour la première fois en Hongrie en 2004 ; les foyers grecs semblent donc être associés à une souche du lignage 2.
L’augmentation de pathogénicité d’un virus du lignage 2, déjà décrite en Hongrie en 2008 (avec 19 cas neuro-invasifs chez l’homme et 18 chez le cheval), est à nouveau d’actualité en 2010. Une étude nucléotidique plus poussée sur l’ensemble du génome viral est nécessaire pour tenter d’expliquer ce nombre élevé de cas cliniques.
En France, restons vigilants
En France, les derniers cas d’infection à virus de West Nile ont été rapportés en 2006, dans les Pyrénées orientales. Aucun signe de circulation du virus n’a été mis en évidence en 2009 ou 2010 par les systèmes de surveillance en place. Seule une surveillance des cas cliniques est assurée depuis 2008 selon le dispositif suivant :
• la déclaration des infections neuro-invasives chez les patients hospitalisés dans tous les départements du pourtour méditerranéen, de juin à octobre inclus.
• la déclaration des suspicions cliniques chez les équidés par les éleveurs et les vétérinaires sur l’ensemble du territoire français (MRC, Arrêté du 27 juillet 2004 sur les encéphalites virales équine). La détection des cas cliniques équins par les vétérinaires sanitaires constitue un point essentiel de la surveillance animale.
• la surveillance des mortalités d’oiseaux sauvages, de juin à novembre inclus, dans les départements du pourtour méditerranéen, avec le concours de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, les fédérations départementales des chasseurs et les laboratoires vétérinaires départementaux (instruction DGAl N2008-8140 du 16 juin 2008).
Faut-il avoir peur de déclarer une suspicion d’infection à virus de West Nile?
En 2009 en France, 9 chevaux ont présenté des anticorps IgG, témoin d’une infection à virus de West Nile ou d’une vaccination. Sur ces 9 chevaux, 3 présentaient des signes neurologiques. La recherche d’IgM, permettant d’identifier des infections récentes, réalisée par le laboratoire national de référence, l’ANSES Maisons-Alfort, a été négative sur ces chevaux.
Le sous réseau syndrome nerveux du RESPE a reçu 70 déclarations en 2009. Les sérologies effectuées par le laboratoire Frank Duncombe et le laboratoire national de référence, se sont toutes révélées négatives également. Cependant, moins de 9% des déclarations émanent de la région Provence Alpes Cote d’Azur et Languedoc Roussillon. Faut-il y voir un traumatisme lié à l’épizootie de 2000 ?
En effet, à l’époque, les mesures mises en place à la suite de la confirmation d’un foyer d’encéphalite équine à virus de West Nile étaient contraignantes. Le préfet du département concerné prenait sur proposition des services vétérinaires un arrêté portant déclaration d’infection (APDI), qui prévoyait les mesures suivantes : visite et recensement des équidés de l’exploitation, isolement des animaux infectés et suspects, immobilisation des équidés de l’exploitation et des exploitations situées dans un rayon de 10km, désinfection, désinsectisation et dératisation des locaux, mise en place de dispositifs de lutte contre les insectes et désinfection ou destruction des objets à l’usage des animaux malades ou suspects. Cet arrêté était levé un mois après la mort, l’abattage ou la guérison clinique du dernier cheval reconnu atteint.
Un nouvel arrêté ministériel a été publié le 27 juillet 2004 et impose une interdiction de mouvement pour les seuls équidés atteints ou suspects d’encéphalite à virus de West Nile pendant l’APDI. Une enquête épidémiologique, un traitement insecticide des équidés et/ou des locaux, une vaccination en périphérie des foyers pourront compléter les mesures prescrites. L’APDI est levé 15 jours après la mort ou la guérison clinique du dernier cheval atteint. Cet arrêté ministériel apparaît donc peu contraignant, le nombre de cas cliniques d’infection à virus de West Nile dans un foyer étant faible.
(1) Collège syndrome nerveux du RESPE
(2) clinique vétérinaire de Faulquemont
(3) ANSES, UMR1161 Virologie INRA ANSES ENVA, Maisons-Alfort
(4) INRA, UR 346 EpiA et Département Hippique Vetagrosup, Marcy l’Etoile