Anomalies de la locomotion : Syndrome neurologique ou pas ? – Bulletin n°39

par Pierre TRITZ (1, 3), Agnès LEBLOND (2, 3)

Il n’est pas toujours évident de savoir si un cheval est atteint d’un syndrome neurologique ou non. Un examen clinique systématique doit permettre de répondre. La fiche de collecte de données de l’examen neurologique peut servir d’aide-mémoire pour la réalisation d’un examen neurologique complet. Les cas dramatiques sont plus faciles à différentier, sauf en cas de décubitus ; les cas plus subtils nécessitent une observation plus attentive et complète.

L’examen neurologique va se dérouler du bout du nez à la queue (2,4,6).

Mais il faut commencer par un examen à distance au box ou au pré

Il convient d’apprécier la posture, l’état de vigilance et le comportement.

La posture : est-elle normale ou anormale ? Le cheval est-il debout ou en décubitus ? A-t-il du mal à se relever ? Le polygone de sustentation est-il réduit ou augmenté ? Une position anormale des membres doit alerter le clinicien d’un possible déficit proprioceptif qui sera objectivé durant l’examen des allures.

L’état de vigilance est-il normal ? Le cheval est-il attentif à son environnement, est-il abattu, en stupeur, dans le coma ou semi-coma ?

Le comportement est-il normal ? Plus calme ou plus agressif, anxieux, hyperesthésique ? A-t-il des convulsions ? Tremble-t-il ? Tourne-t-il en rond ? Pousse-t-il au mur ?

L’examen est poursuivi par l’examen des nerfs crâniens. Si l’atteinte des nerfs crâniens est confirmée, il peut s’agir de maladie cérébrale, cérébelleuse ou du tronc cérébral.

En l’absence d’atteinte des nerfs crâniens, l’étude des allures est fondamentale.

Il existe 4 classes de chevaux, des chevaux sains, des chevaux boiteux, des chevaux « neurologiques » et des chevaux « neurologiques et boiteux » (3).

Il est donc important de commencer par un examen orthopédique. En effet, un cheval « neurologique » peut être confondu avec un cheval présentant une boiterie multiple, des douleurs cervicales, dorsales, sacro-iliaques, de la fourbure, de l’ostéochondrose, une atteinte bilatérale des jarrets, des myotonies, des myalgies ou encore de la rhabdomyolyse.

Chez un cheval boiteux (3,5), les défauts d’allure sont réguliers et visibles seulement dans certaines circonstances d’examen, faire monter une pente accentue les boiteries postérieures, la descente accentue les boiteries antérieures.

Le cheval boiteux abaisse la tête, l’angle de la hanche remonte, le cheval raccourcit la phase antérieure de sa foulée, il a une position anormale, il peut avoir une posture anormale au repos (cheval qui pointe), il trébuche, tombe, il est peu disposé à monter ou descendre une pente. Les symptômes peuvent régresser après un traitement antalgique.

Chez un cheval avec une atteinte nerveuse (3,5), le déficit des allures est irrégulier et peut être observé dans toutes les circonstances de l’examen neurologique. Ce déficit est accentué par les changements de vitesse ou de direction.

L’allure est irrégulière, spastique et les mouvements sont exagérés, la queue est flasque lors du test « du balancier », le cheval fait des erreurs lors du placement des jambes sur le petit cercle, la posture, la réaction au test de sautillement sont anormales, le cheval a du mal à reculer.

La nuque est raide, les réactions au test cutané sont diminuées, la posture est anormale.

Les autres anomalies également observées en mouvement peuvent être un mouvement excessif de la queue au trot, des « sauts de lapin » au petit galop, une flexion excessive des postérieurs au moment de l’arrêt, une rotation externe des pieds postérieurs en montée, une hypermétrie des membres antérieurs quand la tête est relevée.

Les déficits neurologiques sont classés en différents grades (2,4,5,6)

Grade 0 : non visible
Grade 1 : symptômes discrets visibles uniquement lors des tests
Grade 2 : signes discrets au trot et plus visibles au galop, anomalies aggravées par les tests spéciaux
Grade 3 : signes cliniques évidents aux allures normales, peut trotter et galoper sans tomber
Grade 4 : signes visibles au pas, le cheval tombe facilement, il est incapable de se lever. Tests spéciaux déconseillés

Les examens complémentaires utilisables en plus de l’examen neurologique sont les radiographies cervicales, l’analyse du liquide cérébro-spinal, le myélogramme, le scanner, des tests sérologiques, un dosage sanguin de la vitamine E,… (3)

La stimulation magnétique corticale est l’investigation électrophysiologique la plus indiquée dans l’approche diagnostique d’une ataxie, l’électromyographie venant en complément lors d’atteinte des plexus (1). La stimulation magnétique transcrânienne est un examen non invasif, objectif, indolore et sensible, mais non disponible en pratique courante. L’objectif est d’évaluer les fonctions motrices, c’est-à-dire les voies motrices de la moelle épinière. Les chevaux avec des lésions de la moelle épinière montrent des anomalies typiques dans les réponses (5,7).

Conclusion

Les chevaux présentant une atteinte nerveuse présentent une posture anormale, un placer anormal des membres après des mouvements forcés, les défauts d’allure sont irréguliers et caractérisés par des mouvements de force et de directions anormales ; il n’y a pas de réponse à un traitement antalgique. Il est important de faire un examen neurologique et orthopédique complet. Les tests d’électrodiagnostic sont prometteurs.

Bibliographie

1. JL Cadoré, apport de l’examen du système nerveux lors d’affection vertébrale, PVE 2008, numéro spécial pathologie du rachis chez les équidés, p33-37

2. I Desjardins, l’examen neurologique chez le cheval, PVE 2006, 149 (38) p64-68

3. B Grant, Is it lame, or is it ataxic, in Equine Neck conditions and practical neurology for practitioners, p7-15

4. A Leblond, M Levy, J Lissens, S Pronost, P Tritz, Affections nerveuses : gestion des foyers infectieux de l’alerte à l’extinction : cas de l’épisode de Gravelines, in proceedings AVEF 2010 Bordeaux, p54-76

5. M Furr, Differentiating Lameness from neurological disease, in Equine Neck conditions and practical neurology for practitioners, p179-181

6. M Furr, S Reed, Neurologic examination, p65-76, in Equine Neurology, M Furr & S Reed editors, 2008

7. F Vandenberghe& K Vanschandevijl, différentier atteinte neurologique et boiterie modérée lors de baisse de performance. PVE 2015, numéro spécial progrès dans le diagnostic et le traitement des boiteries chez les chevaux, p38- 42

(1) Clinique vétérinaire de Flauquemont
(2) VetAgro Sup – INRA
(3) Co-responsable du collège Syndrome Neurologique du RESPE

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