Comment diagnostiquer une épidémie en population équine ? – bulletin n°24
Agnès LEBLOND (1,2) et Jocelyn DE GOER (1)
La surveillance syndromique est une approche d’investigation dans laquelle les autorités sanitaires, assistées par un système d’acquisition automatique de données, sont capables de suivre des indicateurs de maladie en temps réel afin de détecter précocement une émergence, avant même la confirmation des cas par le laboratoire, en vue de la mise en œuvre rapide de mesures de prévention (Henning 2004). L’intérêt pour ces systèmes s’est développé depuis le 11 septembre 2001, tout d’abord pour la détection d’attaques bioterroristes, puis leur utilisation s’est élargie à la surveillance des maladies infectieuses (Lazarus 2001). Depuis plus d’un an maintenant, ces technologies sont appliquées à la surveillance des maladies infectieuses équines afin d’en tester l’efficacité.
« S2IAP (Surveillance des Syndromes Infectieux et Alerte Précoce) » est une plate-forme informatique permettant aux vétérinaires de saisir les descriptions cliniques des cas observés par le biais de deux solutions :
– Un système utilisable directement sur le terrain, au « chevet du cheval », permettant la saisie puis le transfert (via un Smartphone) vers un serveur central des cas cliniques observés. La transmission des données est effectuée via la connexion Internet du téléphone mobile.
– Un site Internet sécurisé permettant la saisie et la consultation des descriptions cliniques et donnant accès à une rétro-information sur l’ensemble des cas déclarés.
L’information est consultable directement en ligne par l’ensemble des acteurs du réseau, y compris les autorités sanitaires, moins d’une heure après déclaration de la suspicion.
La fiche de suspicion a été conçue pour recueillir les données sur les cas de syndrome infectieux chez les chevaux. Les syndromes « hyperthermie », « respiratoire », « digestif », « nerveux » et « avortement » peuvent être déclarés. Pour décrire les syndromes, une liste de symptômes prédéfinis est proposée sous la forme de cases à cocher en oui/non. Par exemple, le syndrome nerveux est décrit selon l’absence/présence de dysphagie, paralysie faciale, amaurose, tremblements, comportement anormal et/ou anomalies de la locomotion. L’ataxie, la paralyse et la parésie peuvent être qualifiées de symétrique/asymétrique (Ostlund 2000). Le formulaire est bref et rempli au moment même de la consultation du cheval, en moins de cinq minutes. Pour chaque déclaration clinique, des prélèvements standardisés sont effectués et envoyés au laboratoire en vue de la confirmation du diagnostic.
D’un point de vue technique, ce projet a nécessité plusieurs technologies informatiques différentes : langage de programmation HB++ v2 (HandHeld Basic++) pour l’écriture du logiciel S2IAP pour Smartphone TREO 650/680 ; langages de programmation PHP (Pre-Hypertext Preprocessor), XHTML (Extensible HyperText Markup Language) et CSS (Cascading Style Sheet) pour l’écriture des procédures de réceptions des données. Les données sont stockées dans une base de données MySQL.
Huit vétérinaires volontaires des départements du Gard et des Bouches du Rhône ont été volontaires pour tester le système avec l’appui des autorités sanitaires départementales. Après une session de formation, le matériel a été distribué aux vétérinaires le 15 juillet 2007. Après 10 mois de fonctionnement, 30 cas ont été déclarés par 5 vétérinaires. Les déclarations de syndrome hyperthermie prédominent (13 cas), avec un pic en février (6 cas sur 13). Parmi ceux-ci, quatre cas de babésioses, dont 2 à Babesia caballi et 2 à Theileria equi, deux cas d’anaplasmose granulocytique et un cas de salmonellose ont été diagnostiqués. Huit cas de syndrome respiratoire ont été déclarés, parmi lesquels deux cas d’EHV-2, un cas d’EHV-4, un cas d’EHV-1, un cas de gourme et un cas d’infection à Streptocoque zooepidemicus ont pu être confirmés. Enfin, parmi les 4 cas de syndrome nerveux déclarés dans cette période, un cas de maladie du neurone moteur a été confirmé à l’histologie et deux suspicions cliniques de maladie de l’herbe (ou dysautaunomie équine) ont été déclarées. Il s’agit des premières suspicions de cette affection chez des chevaux stationnés dans le sud de la France.
Le recueil longitudinal de données devra permettre d’évaluer l’efficacité et l’utilité du système pour une alerte précoce des maladies infectieuses chez le cheval. Le rapport coût/efficacité pourra alors également être estimé. Lors de l’épisode de maladie de West Nile en 2004, une valeur critique de 3 déclarations par semaine aurait permis de fournir une alerte 4 semaines avant le début de la période épizootique (Figure 1) (Leblond 2007).
Références :
Henning, K. J. (2004). « Overview of syndromic surveillance – what is syndromic surveillance? » Morbidity Mortality Weekly Report 53(Suppl): 5-11.
Lazarus, R., P. Kleinman, et al. (2001). « Using automated medical records for rapid identification of illness syndromes (syndromic surveillance): the example of lower respiratory infection. » BMC Public Health 1: 1471-2458/1/9.
Leblond, A., P. Hendrikx and P. Sabatier (2007). « Syndromic surveillance in horses as an early warning system for West Nile disease in France. » Vector Borne and Zoonotic Diseases 7 (3): 403-410.
Ostlund, E. N., J. E. Andresen and M. Andresen (2000). « West Nile encephalitis. » Veterinary Clinics of North America. Equine Practice 16 (3): 427-441.
Remerciements à :
Jean Louis BLANC (DSV du Gard), Christel MARCILLAUD-PITEL (RESPE), Marie-France Allamigeon et Johanne BEFORT (LVD Nîmes), Pierre-Hugues PITEL (LVD FD Caen), Sylvie LECOLLINET (AFSSA Alfort) et aux Drs. Vétérinaires Cédric CHATAIGNIER, Jérome CLAVEL, Nathalie GANEM, Philippe GARCIA, François GERME, Cécile MAGNAN, Alain POULY et Salomé WEINGARTEN.
(1) INRA
(2) ENVL