Épizootie de grippe équine en France entre mai et juin 2012 : débriefing

A la suite des différentes réunions de la Cellule de Crise du RESPE aux mois de mai et juin derniers, le débriefing a été réalisé et est présenté ci-dessous.

Description des foyers

Le 4 mai dernier, un premier foyer de Grippe équine a été confirmé par le laboratoire Frank Duncombe. Situé dans le Calvados (14), cet effectif comptait environ 150 chevaux et se composait de chevaux de sport, de poulinières, de poulains et de jeunes chevaux. Ce haras a été, dans sa quasi-totalité, touché par une vague d’hyperthermie, accompagnée d’une toux pour certaines juments et ce malgré un rappel vaccinal annuel pour tous les chevaux et bisannuel pour les chevaux de concours. A partir du 15 mai, plus aucun symptôme n’a été enregistré et les chevaux ont peu à peu repris le travail.

Un second foyer a été confirmé le 7 mai par le laboratoire. Toujours dans le Calvados (14), ce haras, de 70 équidés, hébergeait des chevaux de sport, des poulinières, des jeunes et des poulains. Comme dans le précédent foyer, il s’agissait d’un effectif vacciné : 2 fois par an pour chevaux de concours, 1 fois par an pour les autres hormis pour les yearlings qui n’étaient pas encore vaccinés. Toux et hyperthermie se sont manifestées chez 45 chevaux de l’effectif : ces symptômes ont débuté le 30 avril pour les premiers chevaux malades. De même que dans le premier foyer, les symptômes se sont dissipé la dizaine de jours qui a suivi la confirmation de deux cas et le travail dans la structure a ensuite pu reprendre.

Quelques jours plus tard, le laboratoire a de nouveau confirmé 3 cas positifs pour la grippe dans un troisième foyer du Calvados (14). Dans cet effectif de 70 équidés, seuls les chevaux de sport étaient vaccinés contre le virus de façon bisannuelle, pour les autres un rappel annuel uniquement et pour certains pas de vaccination. Une quinzaine d’équidés a été affectée et a présenté de la toux, de l’hyperthermie et du jetage pour certains. En revanche, les chevaux de concours, lorsque touchés (hyperthermie), n’ont manifesté aucun symptôme. Dans ce haras, la proximité entre les chevaux de sport et d’élevage a entraîné la contamination d’une jument non vaccinée et de son très jeune poulain, euthanasié à 10 jours de vie. Depuis le 19 mai, aucune manifestation de la maladie n’a été enregistrée.

Ces trois foyers, situés dans un périmètre restreint sont liés d’un point de vue épidémiologique et se sont contaminés à la faveur de leurs participations à des concours.

Le 11 mai 2012, alors que le 3ème foyer venait d’être confirmé, deux chevaux, présents au CSIO 5* de la Baule, en provenance de Normandie et ayant participé aux mêmes concours que les chevaux des trois précédents foyers, ont été diagnostiqués positifs pour la grippe. Ces équidés de sport, bien suivis et à jour de moins de 6 mois du vaccin contre la grippe, ont manifesté une forme asymptomatique de la maladie. Cette situation a conduit à leur exclusion du site de concours mais la circulation du virus a pu passer inaperçue (diffusion et contamination potentielles à d’autres participants avant leur exclusion).

Le 15 mai 2012, un quatrième foyer a été confirmé dans l’Oise (60) sur une jument de sport. Dans cette écurie, il semblerait qu’une centaine de chevaux étaient présents et utilisés en compétition et l’ensemble des chevaux était vacciné tous les 6 mois. Au sein de cet effectif, plusieurs chevaux ont présenté de la toux.

Le 25 mai 2012, deux nouveaux foyers ont été mis en évidence par des analyses positives pour la grippe.

– Le cinquième foyer concerne un centre équestre du Calvados (14). Le cheval positif récemment importé du Portugal était non vacciné contrairement à l’intégralité de l’effectif dans lequel il a été introduit. Présentant de la toux et du jetage dès son arrivée, il a été mis à l’écart des autres chevaux présents.

– Le sixième foyer concerne également un centre équestre situé dans les Yvelines (78). Dans cet effectif, une trentaine de chevaux étaient stationnés : tous, excepté le poney positif, étaient vaccinés (rappel en décembre 2011). Ce poney de compétition inter-régionale, arrivé en début d’année dans le club, était vacciné mais en limite de rappel vaccinal (prévu pour fin juin). Il a présenté de l’hyperthermie, de la toux et du jetage le 23 mai.

Le 1er juin, 4 nouveaux chevaux ont été testés positifs pour la grippe. Ce septième foyer est un centre équestre des Yvelines (78) comptant 72 équidés vaccinés annuellement. Il s’agit, là encore, d’une écurie qui participe à des concours. Les chevaux atteints ont été placés en quarantaine dès le passage du vétérinaire. Les informations sur ce foyer (mouvements…) ont permis de suspecter très fortement un lien avec le 6ème foyer par le biais de participation commune à des concours.

Le 15 juin, un huitième foyer a été confirmé dans l’Essonne (91) avec 3 chevaux positifs. Dans ce centre équestre, 17 chevaux étaient atteints sur 105. Les chevaux participaient régulièrement à des concours mais n’étaient pas sortis depuis un mois. L’origine du foyer est vraisemblablement un cheval introduit en provenance d’Espagne. Ce cheval est le premier à avoir présenté le 5 juin dernier les symptômes suivants : toux, jetage et hyperthermie.

De nombreux animaux malades ou hyperthermiques ont été signalés à cette période ou rétrospectivement sur des concours (Le Touquet par exemple) sans qu’ils soient prélevés et qu’un diagnostic de certitude ait pu être apporté par le laboratoire.

Lien épidémiologique

Les trois premiers foyers, de par leur proximité et la participation des chevaux à des concours (Saint Gatien, Le Touquet et Haras du Pin), sont liés d’un point de vue épidémiologique.

Les chevaux révélés positifs au concours de La Baule provenaient de Normandie et auraient participé aux concours à risque (avec les chevaux des trois premiers foyers). Ces chevaux se seraient alors contaminés sur les terrains de concours par contact avec les équidés des premiers foyers confirmés.

Il semblerait, avec les informations disponibles sur le foyer n°4, que les chevaux aient eux aussi été en contact avec le virus durant des compétitions en Normandie.

Le cheval positif du sixième foyer était présent au sein du septième foyer lors d’une compétition. Les informations disponibles ne permettent pas de dire si ce cheval s’est contaminé sur le terrain de concours ou s’il était déjà malade avant sa participation.

A ce jour, il n’existe pas de lien épidémiologique entre les premiers foyers (Calvados et Oise), le cinquième foyer (Calvados), les six et septième (Yvelines) et le huitième foyer (Essonne) (Souches différentes).

Souche du virus circulant

Le suivi épidémiologique des souches virales identifiées sur les chevaux positifs a permis la classification et le regroupement des foyers, des souches différentes ayant été typées. Cependant, le virus responsable de ces 8 foyers appartiennent à des souches circulant actuellement sur le territoire et identifiés en France depuis plus de cinq ans. La souche isolée sur l’épizootie principale est proche de celle identifié lors de l’épizootie de 2011.

Le virus responsable de ces foyers a été typé par le laboratoire Frank Duncombe comme appartenant au lignage américain, Cluster Florida, Clade 2. Les virus appartenant au Clade 2 sont responsables de l’ensemble des épizooties françaises et européennes depuis 2010. Les souches françaises les plus proches génétiquement du virus identifié ce printemps ont été identifiées dans le foyer de Grosbois, à la fin de l’année 2011. A ce jour, la seule mise en évidence de virus influenza équin de Clade 1 concerne l’épizootie de Grosbois en 2009.

Le typage moléculaire a permis l’analyse des mutations du virus pouvant entraîner une éventuelle dérive antigénique. Par comparaison aux virus ayant circulé en France depuis 2005, une seule mutation a été observée sur l’un des sites reconnus par les anticorps de l’hôte, ce qui ne représente pas une évolution significative du virus.

Concernant la vaccination, la population concernée par  les différentes épizooties s’est répartie en 3 catégories :

– des chevaux peu ou pas vaccinés (en particulier de jeunes chevaux entre la naissance et les premiers concours (environ 3 ans),

– des chevaux vaccinés annuellement, circulant localement ou au national

– des chevaux vaccinés avec un rappel tous les 6 mois, appartenant plutôt à la filière sport de haut niveau, voyageant à l’international.

La vaccination joue un rôle majeur dans la maîtrise des épizooties. Elle permet de réduire l’intensité des symptômes, en particulier le jetage et la quantité de virus excrété. Ces deux actions limitent la diffusion du virus dans le milieu extérieur et donc celle de la maladie. Dans la population vaccinée annuellement ou tous les 6 mois, ces effets de la vaccination ont pu être constatés.

En conclusion, il reste important de souligner le rôle joué dans ces épizooties, par la carence de vaccination des jeunes chevaux dans la filière Sport avant de participer aux épreuves de la FFE ou de la SHF. Les symptômes de la maladie dans cette population plus sensible sont plus marqués et peuvent même conduire à la mort chez les très jeunes poulains.

La vaccination reste cependant un acte médical, qui doit être réalisée dans des conditions optimales : animal en bonne santé, composition du vaccin adaptée souches virales circulant sur le terrain, protocole vaccinal respecté l(a minima, respect de la notice fournisseur).

Dans plusieurs domaines de la filière, comme les courses ou le sport, une règlementation spécifique s’applique à la vaccination. Les règlements de la Fédération Française d’Equitation (FFE) et de la Société hippique française (SHF),validés par le Ministère de l’Agriculture se référaient jusqu’alors aux dispositions en termes de vaccinations définies par l’arrêté du 6 juin 2002 relatif à l’inscription sur la liste des chevaux de sport et aux contrôles d’identité et de vaccinations, actuellement en vigueur et établi conformément à l’article L.221-1 du CRPM.

Pour rappel, constitution de la cellule de crise : Déclenchée le 10 mai, elle regroupe les vétérinaires de terrain et de l’Association Vétérinaire Équine Française, la Fédération Française d’Équitation, la Fédération Nationale des Courses Françaises, la Fédération Nationale du Cheval, France Galop, l’Institut Français du Cheval et de l’Équitation, le Laboratoire Frank Duncombe, la Société Hippique Française, le Trot et le RESPE.