Fièvre du Nil Occidental : Le point sur la surveillance en France et en Europe – bulletin n°10

Agnès LEBLOND (1), Stéphan ZIENTARA (2) et Gwenaëlle DAUPHIN (2)

France

Concernant la surveillance humaine de la fièvre West Nile, 19 cas suspects de Fièvre de WN ont été notifiés en juin et juillet 2003 aux DDASS et DSS (CIRE Sud – Marseille); ces 19 cas se sont révélés négatifs à l’analyse des prélèvements par le laboratoire de virologie de l’IMTSSA à Marseille. L’InVS (Institut de Veille Sanitaire) a signalé le 25 août une suspicion d’infection récente à virus West Nile chez un américain ayant séjourné en France en Camargue en juillet (mais également à Miami et aux Bahamas). Le 3 septembre, un habitant du Var a été hospitalisé à l’hôpital de Fréjus pour méningo-encéphalite. Des anticorps anti-WN IgM et IgG ont été détectés chez ce patient, ainsi que chez son épouse, qui avait présenté un syndrome fébrile et des céphalées fin août (alors non diagnostiqués). Suite à une enquête rétrospective auprès des hôpitaux du Var, 5 autres cas (3 formes fébriles et 2 formes nerveuses), tous situés autour de Fréjus et avec une date de début des symptômes voisine (fin août), ont été diagnostiqués positifs en ELISA et attendent une confirmation par le Centre National de Références des Arboviroses.

Vers le 15 septembre, un cheval résidant dans ce même département a présenté des signes cliniques de méningo-encéphalite et a été détecté séropositif vis à vis du virus WN(IgG et IgM). Les signes ont rétrocédé au bout de 3 semaines. Deux autres cas équins de méningo-encéphalite à WN ont été diagnostiqués. Une enquête sérologique a débuté et est pilotée par la Direction  Départementale des Services Vétérinaires du Var sur les chevaux détenus dans 24 centres équestres situés autour du foyer  primaire (Grimaud). Il est à noter que tous les cas de WN décrits (hommes et chevaux) correspondent à d’infection datant de fin août et début septembre. Aucun nouveau cas n’a été déclaré depuis cette période.

Royaume Uni

Aucun cas humain d’infection par le virus de WN n’a été déclaré. Cependant, les scientifiques du Centre d’Ecologie et d’Hydrologie d’Oxford ont observé une prévalence élevée d’anticorps anti-WN chez des oiseaux sauvages. Des anticorps ont été retrouvés chez plus de la moitié des oiseaux testés, comprenant des corneilles, des pies, des moineaux, des poulets, des dindons et des canards. Aucune mortalité anormale d’oiseaux migrateurs ou sédentaires n’a été notée.

Autres pays du vieux continent :

Des isolements de virus WN ont été réalisés chez trois espèces d’oiseaux migrateurs prélevés au Sud Ouest de la Sibérie en été 2002 (région de Novosibirsk). La souche isolée était proche de la souche circulant à Volgograd en 1999. Les similitudes entre ces souches suggèrent l’existence d’une circulation de virus entre la mer Caspienne et la Sibérie grâce aux oiseaux migrateurs.

En Israël, l’étude phylogénétique des virus isolés chez des chevaux et des oiseaux migrateurs entre 1998 et 2001 a montré que pendant cette période deux souches distinctes ont circulé dans la région : l’une est proche du virus isolé à New York en 1999, l’autre plus proche des virus plus récemment isolés sur le vieux continent. Deux cas ont été diagnostiqués  chez l’homme depuis le début de l’été 2003.

Nouveau  continent :

Antilles françaises

La Guadeloupe : Dès juillet 2002 près de 70% des chevaux de l’île ont été prélevés (n=360), 10 positivités en IgG ont été décelées par l’AFSSA, dont 2 en Ig M dans 4 clubs hippiques. Fin 2002, un cheval est décédé après une phase clinique d’encéphalite (individu non  analysé). La surveillance chez les chevaux se poursuit depuis mai 2003. Des prélèvements sont programmés en octobre pour connaître le statut des individus et surveiller une éventuelle séroconversion. Actuellement, le pic de l’infection est supposé se situer entre Août et Octobre chez les chevaux. Il n’est pas encore déterminé si la circulation virale persiste toute l’année, avec une activité vectorielle constante mais réduite en période sèche et  une activation après la période des pluies (mi-Mai), ou bien si cette activité n’existe qu’à certaines périodes comme dans les zones tempérées.

La Martinique : 362 chevaux ont été prélevés en mai 2003 dans le cadre d’une enquête sérologique ; la mortalité de l’avifaune fait également l’objet d’une attention particulière. Actuellement aucune circulation virale n’a été mise en évidence.

Etats-Unis

Pour l’année 2003, 3370 cas humains dont 65 morts sont rapportés aux États-Unis. Seuls 4 états du Nord-Ouest semblent encore indemnes. Les systèmes de surveillance recensent 5197 oiseaux morts, 1162 infections chez le cheval, 5 chez des chiens, 2 chez des écureuils.

Canada

Au 14 septembre, 4 cas de mortalité consécutifs à une infection par le virus de West Nile chez l’homme ont été observés au Canada. Le dénombrement des cas recence 131 cas probables chez l’homme, 85 chez le cheval, 201 pools de moustiques positifs et des oiseaux sauvages positifs dans 7 provinces du Canada, Québec, Ontario, Manitoba Saskatchewan et Alberta étant les plus touchées.

Mexique

Au 4 septembre 2003, une étude de séroprévalence a montré la présence d’anticorps vis-à-vis du virus de WN dans le sérum de 624 chevaux sur 3.477 prélevés. Les chevaux positifs sont répartis dans tout le pays, indiquant une extension de l’aire de circulation du virus vers le sud au-delà de l’état de Mexico. Seuls deux cas de chevaux malades ont été diagnostiqués. Aucun cas humain n’a été rapporté.

Autres pays

Au Salvador, le diagnostic d’infection par le virus de WN a été confirmé le 29 avril 2003 chez trois chevaux morts. Aucun cas humain n’a encore été détecté.

Des anticorps anti-WN ont été retrouvés chez des oiseaux du parc national de « Los Haitises », en république Dominicaine.

Un cas a été observé dans les îles Cayman en 2001. En Jamaïque, des oiseaux sédentaires ont été trouvés séropositifs en janvier 2002.

Les nouvelles modalités de transmission :

En 2002, de nouvelles modalités de transmission à l’homme ont été documentées : transfusion sanguine provenant de donneurs en phase virémique, transplantation d’organes, transmission intra-utérine (transplacentaire) et transmission par allaitement.

Des cas d’infection acquises en laboratoire ont été rapportés, soit par coupure avec un scalpel au cours d’une autopsie d’oiseaux morts ou par piqûre avec une aiguille infectée.

Le point sur la clinique :

Les signes cliniques les plus fréquemment observés chez le cheval sont l’hyperthermie (dans 1/3 des cas environ) et des signes d’atteinte centrale ou périphérique du système nerveux : faiblesse ou ataxie et tremblements musculaires. La parésie est plus fréquente que l’ataxie, mais les deux peuvent être multifocales et asymétriques. La faiblesse musculaire serait consécutive à la localisation de l’infection dans les cornes antérieures de la moelle épinière et à la destruction des neurones moteurs.

Le virus a été isolé à plusieurs reprises sur des embryons équins après avortement. Mais aucun lien ne peut encore être établi entre l’infection par le virus de West Nile chez la jument et l’occurrence d’avortements.

De nouvelles formes cliniques sont décrites chez l’homme : choriorétinite, choroïdite multifocale, névropathies unilatérales du plexus brachial, névrite du nerf optique, paralysie flasque asymétrique (forme neuromusculaire ou « West Nile polio »), parkinsonisme transitoire, rétention urinaire. Les symptômes sont similaires à ceux d’une poliomyélite chez l’homme.

De nouvelles descriptions d’infections chez d’autres espèces ont été publiées : chez le chien (atteintes des systèmes nerveux central, rénal et cardiaque), la brebis (encéphalomyélite et avortements), les crocodiles et les alligators. Chez ces derniers la transmission aurait pu se faire par ingestion de viande de cheval infectée.

Le point sur le vaccin :

Jusqu’à une date récente, le seul vaccin à être utilisé contre le virus WN était commercialisé par Fort Dodge (usage exclusivement réservé aux chevaux). Aux États-Unis, des mortalités néonatales, des avortements et des malformations ont été rapportés chez des juments vaccinées au cours de la gestation. Le Département de l’Agriculture américain (APHIS, Animal and Plant Health Inspection Service) considère qu’aucun lien causal ne peut être établi avec la vaccination. Le vaccin est fabriqué à partir de virus tué. Au cours d’essais cliniques préliminaires, 32 des 649 chevaux vaccinés étaient des juments gestantes. Aucun effet secondaire indésirable n’a été noté chez ces juments et leurs poulains.

Un nouveau vaccin recombinant produit par Mérial (canarypox) est en cours de commercialisation aux Etats Unis et semble donner des résultats intéressants. Le virus Kunjin, présent en Australie, qui provoque une maladie bénigne dans de rares cas, pourrait servir de base à la mise au point d’un vaccin protégeant contre le virus WN. Des chercheurs de l’université de Queensland, à Brisbane (Australie), utilisant les similitudes génétiques des 2 virus, ont réussi à faire produire par des souris inoculées avec de l’ ADN de Kunjin, des anticorps efficaces contre le Kunjin mais également contre le virus WN (CR de l’Académie américaine des sciences, 11 août 2003).

(1) ENVL
(2) Afssa

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