La Maladie de l’Herbe (Dysautonomie Équine ou Grass Sickness) : des certitudes à réviser ou des incertitudes à élucider ? – bulletin n° 27
Géraldine PERTRIAUX (1), François VALON (2), Claire LAUGIER (3), Pierre TRITZ (4) et Agnès LEBLOND (5)
La maladie de l’herbe, ou dysautonomie équine, ou Grass Sickness (GS), est une affection neuro-dégénérative débilitante souvent fatale, qui touche les chevaux à l’herbe, surtout au printemps. Les jeunes chevaux (de deux à sept ans) sont les plus fréquemment atteints. La maladie est due à une polyneuropathie, associée à une atteinte du système nerveux autonome, notamment dans le tractus digestif. De nombreuses théories ont été proposées pour en expliquer l’étiologie et la pathogénie, qui demeurent finalement inconnues. L’hypothèse qui prévaut actuellement est que la maladie de l’herbe serait une forme de toxi-infection botulinique, due à la production d’une neurotoxine par Clostridium botulinum type C dans le tube digestif.
Trois formes de maladie de l’herbe sont décrites selon leur durée d’évolution et leur sévérité : les signes cliniques observés sont la conséquence d’un dysfonctionnement du tractus gastrointestinal.
– la forme aigue, évoluant vers la mort en moins de deux jours, caractérisée par des coliques permanentes ou intermittentes, de la sudation, des tremblements musculaires, de la dysphagie et parfois de la salivation,
– La forme sub-aiguë, évoluant sur deux à sept jours, toujours fatale. La clinique est semblable à celle de la forme aigue, mais atténuée,
– La forme chronique, d’installation plus insidieuse, caractérisée surtout par un amaigrissement ou une rhinite sèche, accompagnée parfois de dysphagie. Elle dure généralement plus de sept jours mais mène le plus souvent à la mort de l’individu.
La suspicion est basée généralement sur des critères cliniques et épidémiologiques, mais le diagnostic ante-mortem reste difficile à établir. En principe, seule l’observation à l’histologie de lésions caractéristiques dans les ganglions du système nerveux autonome, coeliaco-mésentérique ou cervical par exemple, permet de confirmer le diagnostic. Or ces prélèvements sont difficiles à réaliser au cours d’une autopsie effectuée en pratique courante, et les suspicions sont donc rarement confirmées.
La plupart des cas ont été détectés au Royaume-Uni ; cependant, des cas ont aussi été répertoriés en Europe de l’Ouest (notamment en Allemagne et en Belgique). En France, trente trois cas ont été recensés, localisés plutôt en Normandie et diagnostiqués par l’AFSSA LERPE de Goustranville. En cinq ans, de 2003 à 2007, sur 160 déclarations, le réseau « Syndrome Nerveux » du RESPE a enregistré 19 cas suspects de GS ou d’intoxication botulinique (soit 12% des déclarations), dont 4 ont été confirmés à l’histologie. Ces cas sont plus fréquents en Basse-Normandie et Bretagne (12 suspicions) et 4 déclarations sont localisées en Poitou-Charentes. Pour la première fois, en 2008, des suspicions ont également été déclarées dans le sud et sud-est de la France, sans que pour autant ces suspicions aient pu être confirmées.
Malgré le faible nombre de cas rapportés en France, la maladie de l’herbe représente un réel problème ; d’abord parce que le diagnostic reste délicat : il est basé sur la clinique et l’épidémiologie or la clinique est peu caractéristique et l’évolution vers la mort souvent bien trop rapide pour que des examens complémentaires en vue d’un diagnostic précis soient mis en oeuvre. Finalement, le faible nombre de cas ne permet pas de poser des conclusions validées par une analyse statistique, ni d’améliorer nos connaissances pour améliorer notre approche diagnostique sur les critères cliniques et épidémiologiques uniquement. De plus, les examens complémentaires à mettre en oeuvre pour confirmer une suspicion clinique sont peu connus.
Ces réflexions laissent à penser que la maladie de l’herbe, parce que mal connue, est en général sous diagnostiquée en France, ou parfois suspectée à tort par certains praticiens. Pour progresser dans la connaissance de cette maladie, la commission « Maladies Infectieuses » de l’AVEF a souhaité mettre en oeuvre un protocole spécifique de collecte de données cliniques et épidémiologiques. Dans ce cadre, un travail de thèse vétérinaire a été initié par Géraldine PERTRIAUX, étudiante à l’ENVL. L’objectif de ce travail est, en premier lieu, d’établir et de valider, à partir de données rétrospectives, un guide de procédure diagnostique qui permette de classer un individu en « suspect », « probable » ou « confirmé », en tenant compte d’un certain nombre de critères épidémiologiques, cliniques et d’examens complémentaires. Dans un deuxième temps, un recueil de cas prospectif va débuter en mars 2010 pour une durée de 1 an et permettra de recueillir des données complémentaires par l’administration d’un questionnaire spécifique adressé aux propriétaires, relatif aux conditions d’élevage des chevaux et aux facteurs de risque liés à la gestion des pâtures. Nous espérons que cette initiative recevra de votre part un bon accueil. Elle devrait permettre d’améliorer notre procédure de suspicion et de diagnostic de la maladie et finalement de préconiser de manière adéquate des mesures de prévention aux propriétaires souvent désemparés par la brutalité d’apparition, la gravité des cas et la possibilité d’une résurgence de la maladie dans l’exploitation.
Si vous souhaitez déclarer un cas ou obtenir des renseignements complémentaires :
Vous pourrez très prochainement télécharger les documents relatifs à cette étude sur le site du RESPE ou de l’AVEF, ou bien contacter directement Géraldine PERTRIAUX à l’adresseg.pertriaux@vet-lyon.fr ou encore l’un des responsables du réseau « syndrome nerveux » du RESPE, Pierre TRITZ (pitritz@wanadoo.fr) ou Agnès LEBLOND (a.leblond@vet-lyon.fr).
(1) ENVL
(2) Clinique vétérinaire du Parc des Brières
(3) Afssa LERPE
(4) Clinique vétérianire de Faulquemont
(5) INRA, ENVL