La Maladie de Lyme : il faut y penser – bulletin n°11

Claire MOUSSU (1), C. HAÏ (2) et Pierre-Hugues PITEL (3)

La maladie de Lyme est causée par un spirochète (Borrelia burgdorferi) dont le cycle est bis-annuel et implique des tiques du genre Ixodes spp. et des mammifères (en Europe, rongeurs principalement). En France, ce sont les tiques de l’espèce Ixodes ricinus qui sont les vecteurs de la borréliose. A l’état adulte, seules les femelles ont besoin de se nourrir pour pondre et sont à l’origine de piqûres.

Les larves et surtout les nymphes peuvent également s’accrocher à la peau pour prendre un repas de sang. Cette tique est très répandue en France, avec certaines zones d’endémie plus élevée (ex: Alsace). Elle est généralement absente de la zone méditerranéenne et des régions au dessus de 1200 m. Les nymphes ou les larves infectent généralement les mammifères au printemps ou en été, les femelles adultes en été, automne ou hiver. Le repas sanguin doit durer au minimum 24h pour transmettre B. burgdorferi. Les humains peuvent également être infectés lors de piqûres de tiques.

Dans certaines régions des Etats-Unis (états du nord-est et du centre), 75% des chevaux adultes sont séropositifs. En Angleterre, la séroprévalence chez des chevaux sains est de 3 à 4% mais elle atteint 49% chez des chevaux présentant des symptômes évocateurs de l’infection dans des régions endémiques pour l’homme. En France, une enquête de séroprévalence réalisée en Bretagne en 1987 sur 400 chevaux (Doby et al., 1987) a révélé la présence d’anticorps chez 36,5% des individus. Une seconde étude sérologique réalisée en 2002 par le LDFD sur 50 chevaux asymptomatiques (hémagglutination) a indiqué que 12% des chevaux étaient séropositifs (>1/200) (Portier et al., 2002).

La maladie se manifeste chez le cheval par de la fièvre modérée, de la fatigue, une hyperesthésie, des douleurs articulaires (gonflement des articulations), des oedèmes des membres et des parties déclives, de la léthargie, une perte de poids, une modification du comportement et de l’hyperesthésie. Des troubles neurologiques et une panuvéite ont été exceptionnellement rapportés. Le diagnostic de l’infection se base :

– sur la présence de tiques sur et dans l’environnement des animaux atteints – (délai entre l’observation de tiques et l’apparition des symptômes)

– sur une recherche directe de l’agent pathogène (PCR à partir de prélèvements de sang ou de liquide synovial, culture difficile et longue)

– sur des tests sérologiques (ELISA le plus sensible) : séroconversion observée entre 3 et 10 semaines après infection mais l’augmentation des titres en anticorps correspond souvent à l’apparition des premiers symptômes

Le traitement préconisé dans la littérature est l’administration de tétracyclines (6,6 mg/kg IV par 24 h) pendant un mois puis de doxycyclines (5 à 10 mg/kg PO par 12h) pendant un mois. Une réponse au traitement doit être observée sous 3 à 5 jours. Il semble que l’administration de pénicilline sous forme de procaïne (30 000 à 45 000 UI/kg IM par 24h), associée à des anti-inflammatoires, à du thriméthoprime et des sulfamides ainsi qu’à des probiotiques soit également utilisée avec succès. La diminution des titres en anticorps est souvent observée après traitement (mais non systématiquement) mais cela ne signifie pas que l’agent infectieux ait été totalement éliminé. Les rechutes sont fréquentes si la durée du traitement est insuffisante (Divers T.J, 2002).

Découverte d’une séroprévalence élevée dans un centre équestre :

Praticien exerçant dans les départements de l’Eure, de Seine Maritime, du Calvados, de l’Orne, j’ai été appelé en Août dans un centre équestre pour des baisses de forme touchant l’ensemble de l’effectif (depuis le printemps), de l’amaigrissement, des oedèmes des membres et des accès de coliques pour certains d’entre eux. Les chevaux font régulièrement des sorties en forêt et la présence de tiques sur les chevaux a été occasionnellement rapportée.

Douze chevaux de ce centre équestre ont été testés sérologiquement (entre Août et Octobre) pour la borréliose, la piroplasmose et la leptospirose. Les examens hémato-biochimiques réalisés n’ont révélé aucune anomalie de la formule sanguine. Les résultats concernant la piroplasmose et la leptospirose se sont révélés négatifs. En revanche, 11 chevaux sur 12 étaient séropositifs (dont 8 atteignant un titre de 950 UI) vis-à-vis de la borréliose.

Les chevaux ont fait l’objet d’un traitement de 6 jours à l’Oxytétracycline associé à des ferments lactiques. Une amélioration de l’état général des chevaux traités (avec disparition des oedèmes et des coliques récurrentes) a été très rapidement constatée par les propriétaires.

Pendant la même période, 37 chevaux de ma clientèle ont présenté des symptômes analogues et ont fait l’objet d’un dépistage sérologique de la borréliose : 18 ont été détectés séropositifs dont 6 avec des titres supérieurs à 950 UI.

Pour en savoir plus :

Magnarelli LA, Anderson JF, Shaw E et al. (1998) Borreliosis in equids in the Northeastern United States. Am. J. Vet. Res. 49, 359-362.

Divers T.J. (2002) Lyme disease, Current therapy in Equine Medicine, 5th Edition.

Portier K. et al. (2002) Suspicion de maladie de Lyme chez un poney. Pratique Vétérinaire Equine. 34 (134), 59-65.

(1) Afssa
(2) Clinique vétérinaire de Bernay
(3) Laboratoire Départemental Frank Duncombe

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