La myopathie atypique : bilan de 10 années de recensement des cas et résumé des récentes études épidémiologiques des cas européens – Bulletin n°30

Par Dominique VOTION, Florence PATARIN et Gaby VAN GALEN (1)

A l’automne 2000, la myopathie atypique du cheval au pré était diagnostiquée pour la première fois en Belgique. Cette première série clinique d’une maladie inconnue à l’époque démontrait au secteur équin la difficulté de lutter contre une maladie nouvelle en l’absence d’un réseau structuré de recensement et d’étude approfondie des cas. En 2003, une subvention exceptionnelle de la Région wallonne (Belgique) permettait, au cours des deux années subsidiées, une ébauche d’un tel réseau. En 2004, le réseau d’alerte de la myopathie atypique (AMAG pour « Atypical Myopathy Alert Group », en anglais) était créé à l’initiative de la Faculté de Médecine vétérinaire de l’Université de Liège (FMV – ULg ; Belgique). Dès les premiers cas français en 2002, une collaboration privilégiée a été établie entre le Réseau d’EpidémioSurveillance en Pathologie Equine (RESPE) et la FMV – ULg au vu de la nécessité de travailler de concert sur cette maladie émergente. Le RESPE et la FMV – ULg recensent conjointement les cas français et depuis peu, la déclaration des cas s’effectue en ligne pour les vétérinaires sentinelles. Outre cette alliance, l’AMAG est aussi une association informelle de scientifiques collaborant dans le cadre de la myopathie atypique. Plus d’une dizaine d’universités européennes participent activement au recensement des données cliniques et épidémiologiques et au besoin, récoltent des échantillons pour tester les hypothèses soulevées par les différents collaborateurs. Actuellement, les questionnaires cliniques et épidémiologiques sont disponibles en français, en néerlandais, en anglais, en allemand et en espagnol.

Grâce au recensement des cas à l’échelle européenne depuis l’automne 2006, il a été observé que cette maladie « rare » était régulièrement rencontrée (van Galen et al., 2010) et ce particulièrement en France (Patarin et al., 2011) : 999 cas européens ont été comptabilisés de l’automne 2006 (date du début de l’enregistrement systématique des cas au niveau européen) à la fin de la saison hivernale 2012 dont 360 émergèrent sur le territoire français. Il y a moins de dix ans, cette maladie était quasi inconnue du secteur équin français mais grâce au recensement structuré des cas, la maladie est désormais caractérisée, tant sur le plan clinique qu’épidémiologique. Actuellement, la cause de la myopathie atypique reste inconnue et les mesures préventives issues de l’analyse rétrospective des cas sont l’outil essentiel de lutte contre cette dramatique condition.

 

Cas de myopathie atypique 2006 à 2011 - RESPEVulgarisation des résultats de la recherche

Les publications scientifiques des chercheurs de l’Université de Liège sont disponibles « en ligne » via le répertoire institutionnel bibliographique (http://orbi.ulg.ac.be/) créé par l’Université de Liège. Les  « informations clés » résultent essentiellement de l’étude rétrospective des 600 cas européens enregistrés de l’automne 2006 à l’automne 2009 (Van Galen et al., 2012a et 2012b). De ces 600 cas rapportés au réseau, 107 ont été confirmés par des examens histologiques, et 247 présentaient suffisamment de critères diagnostiques pour être considérés comme « hautement probables ». Pour 36 cas, un autre diagnostic a été posé tandis que le reste des cas a été infirmé ou est resté sans diagnostic faute d’examens et/ou d’informations complémentaires.

Pourquoi continuer le recensement de cette maladie à déclaration non obligatoire ?

– Pour améliorer les mesures de prévention de la myopathie atypique :

Le travail sur des pathologies animales émergentes ou réémergentes touchant les chevaux dans leur environnement « naturel » a ceci de spécifique que le nombre de paramètres environnementaux à considérer est vaste mais indissociable de la recherche étiologique et des actions curatives ou de prévention à mettre en place. La récolte des informations épidémiologiques sur un large territoire permet de mieux cerner les conditions d’apparition de la myopathie atypique et in fine, de définir quand et où des mesures préventives doivent être appliquées.

– Pour affiner les outils diagnostiques et améliorer les mesures thérapeutiques :

Grâce à une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques de la myopathie atypique, des mesures thérapeutiques de soutien sont proposées. L’évaluation de leur efficacité dans des conditions de terrain nécessite le retour d’information des vétérinaires praticiens. En outre, un meilleur diagnostic différentiel (via l’étude des cas confirmés versus infirmés) permet de déterminer les candidats à traiter. Actuellement une étude est en cours pour valider une technique de diagnostic de certitude à partir d’une prise de sang.

– Pour tester les hypothèses causales et assurer une recherche concertée à l’échelle européenne :

Rares sont les équipes travaillant sur la recherche de la cause de la myopathie atypique (au vu de l’absence de subvention). Grâce à la collaboration des propriétaires des chevaux atteints et de leur vétérinaire traitant, le réseau collecte divers échantillons nécessaires pour tester toute nouvelle hypothèse pouvant étayer l’étiologie de la myopathie atypique.

– Pour alerter le secteur équin (i.e. vétérinaires équins et propriétaires de chevaux) de l’émergence de séries cliniques et de leur terme :

Le groupe AMAG a été initié afin que le secteur équin soit informé lors de l’émergence de séries cliniques. Des alertes, largement diffusées aux vétérinaires de terrain et aux professionnels du secteur par des réseaux ciblés (www.respe.net) et relayées aux propriétaires de chevaux par un carnet d’adresse ciblé sensibilisent le secteur lors d’épizootie afin que soient mises en œuvre des mesures de protection ponctuelles visant à réduire le risque de myopathie atypique. La réactivité du réseau est dépendante de la promptitude des vétérinaires à déclarer les cas suspects.

– Pour déceler l’apparition de nouveaux syndromes équins :

Le réseau AMAG constitue une première ligne de veille sanitaire des maladies équines à forte mortalité et/ou morbidité qui pourraient émerger sur le territoire européen. En effet, après analyse des dossiers, environ 60% des cas sont classés « hautement probables » ou confirmés. Parmi les cas restant, un autre diagnostic est posé pour 6% des cas tandis que 34% des cas restent sans diagnostic. L’importance des séries cliniques de myopathie atypique pourrait masquer l’émergence d’une nouvelle maladie tandis que l’analyse approfondie de ces cas favorise l’identification de syndromes émergeants.

Conclusions

La détermination de l’incidence réelle de la myopathie atypique, des facteurs de risque associés et l’étude des agents étiologiques potentiels sont difficiles à réaliser au vu du peu de prédictibilité de l’émergence des séries cliniques et de la rapidité d’évolution des cas cliniques. Une sensibilisation accrue de la nécessité de renseigner les cas (par les propriétaires des chevaux et leur vétérinaire traitant) est essentielle pour aider les épidémiologistes à définir les conditions favorables à la maladie et les cliniciens à affûter les outils diagnostiques et à améliorer les techniques de gestion des cas. Pour amender ces connaissances, il est indispensable de disposer des outils informatiques qui permettront une centralisation européenne des données selon un canevas standardisé avec, en retour pour le secteur équin, une information actualisée. En outre, un enregistrement en tant réel des cas permettra de collecter sur le terrain les échantillons nécessaires à l’étude des agents étiologiques potentiels.

Remerciements

Les membres de l’AMAG, tous les cliniciens des cliniques universitaires et privées ainsi que les vétérinaires praticiens et les propriétaires des chevaux qui nous ont communiqués des cas sont chaleureusement remerciés. Sans leur aide, il n’aurait pas été possible d’effectuer les différentes études référencées. Nous souhaitons également remercier la Belgian Equine Practitioners Society (BEPS) pour son soutien financier lors de la création du nouveau site internet.

Vous pouvez soutenir la recherche sur la myopathie atypique en effectuant un virement sur le compte Patrimoine de l’Université de Liège. Les dons effectués en faveur de l’Université de Liège donnent lieu à une déductibilité fiscale pour le donateur. 

(1) Université de Liège – AMAG