Les diarrhées infectieuses du poulain – bulletin n°37

par Aude GIRAUDET (1)

Les diarrhées sont des affections communes chez les poulains. Si après la première semaine de vie, la presque totalité des poulains présente un court épisode diarrhéique bénin, d’origine non infectieuse, correspondant à l’ajustement de la flore bactérienne, les diarrhées infectieuses constituent une affection fréquente chez les poulains, de l’âge de deux jours à l’âge de six mois. En fonction de l’âge, ce ne sont pas les mêmes agents bactériens qui sont mis en cause. Cependant, en dépit des progrès des moyens diagnostiques, la prévalence exacte de ces affections n’est pas encore élucidée. La présence d’un agent infectieux détecté par PCR, par exemple, n’implique pas forcément que celui-ci soit responsable de la diarrhée constatée. De façon générale, les diarrhées virales sont les plus fréquentes chez les poulains ; toutefois même si plus rares, les cas d’affections d’origine bactérienne sont souvent sévères, et associées à un pronostic plus réservé.

Quelques virus sont associés à des épisodes diarrhéiques, les Rotavirus du groupe A étant les pathogènes de loin les plus fréquents (plus de 33% de prévalence). Cette dernière affection est extrêmement contagieuse, se répandant rapidement dans les élevages si aucune mesure préventive n’est mise en place. Les poulains atteints sont souvent jeunes, de moins de trois mois. La présence d’hyperthermie n’est pas systématique ; en revanche, les poulains sont abattus, anorexiques et déshydratés. La pathogénie du Rotavirus  n’est pas totalement élucidée. Les cellules cibles sont situées dans la muqueuse intestinale au niveau des villosités. Deux mécanismes différents altèrent leur fonctionnement des :

– Les cellules de la bordure distale des villosités sont responsables, en particulier par la sécrétion de lactase, enzyme de la digestion du lait. Le virus par un mécanisme encore inconnu rend la sécrétion d’enzyme insuffisante. Le lait mal digéré crée un fort appel osmotique engendrant la diarrhée.

– De plus, les cellules infectées par le virus sécrètent une molécule (glycoprotéine NSP4) ayant deux effets délétères. La glycoprotéine NSP4 perturbe l’absorption du glucose, mais également augmente la sécrétion luminale de chlore ce qui, par gradient osmotique, augmente également le contenu liquidien luminal, donc la diarrhée.

Le diagnostic se fait à la fois sur les données épidémiologiques (diarrhée très contagieuse se répandant au sein d’un effectif de jeunes poulains) et sur les analyses de laboratoire. Plusieurs tests sont utilisables pour mettre en évidence la présence de Rotavirus du Groupe A en recherchant les antigènes dans les matières fécales. En particulier, le FASTest Rota® strip, montre une sensibilité de 92% et une spécificité de 97%. Toutefois, la présence de Rotavirus, y compris sur un poulain diarrhéique, ne constitue pas un diagnostic en soi. Les co-infections existent dans presque 50% de cas de diarrhées.

Comme souvent en cas d’affections virales, un traitement de support (principalement réhydratation par voie entérale et parentérale) suffit à la guérison. La mise en place de mesures hygiéniques est un moyen de lutte efficace de prévention de l’épizootie. D’un point de vue épidémiologique, il semblerait que la prise de colostrum de façon naturelle protègerait également un peu mieux que lors d’une administration par sondage.

Les Coronavirus ont toujours été associés aux diarrhées chez les poulains arabes souffrant du syndrome de déficience immunitaire combinée. Toutefois, cet agent a aussi été mis en cause dans des cas de diarrhée sur des poulains immunocompétents.

Les diarrhées d’origine bactériennes sont un peu moins fréquentes, parmi les nombreux pathogènes en cause Escherichia coli est le plus répandu, puis les Salmonelles et les bactéries anaérobies (Clostridies). Cependant, il semble que ces pathogènes n’aient pas la même prévalence aux USA qu’en Europe, les Salmonelloses en particulier y sont plus fréquemment diagnostiquées (épizootie décrite dans des haras).

Escherichia coli entraîne le plus souvent un état infectieux généralisé chez les poulains. C’est la bactérie la plus fréquemment retrouvée dans cette affection. Cependant, plus rarement, elle peut causer une diarrhée isolée. Cette diarrhée est profuse et non fétide. De même que pour les Rotaviroses, le simple isolement d’Escherichia coli ne suffit pas à un diagnostic, il faut vérifier la présence (par PCR) de facteur de virulence comme la présence de pili (fimbriae F17).

Les Salmonelloses entraînent des diarrhées hémorragiques sévères, le pronostic vital est très souvent engagé et souvent le traitement illusoire. La mère est souvent  porteuse, et est vraisemblablement à l’origine de la contamination. Il arrive qu’un état de choc précède l’apparition de diarrhée. Le poulain est très abattu, distendu, choqué, déshydraté. Souvent, une translocation bactérienne se produit et la diarrhée se complique d’une dissémination (en particulier articulaire). Ceci est particulièrement vrai pour les poulains jeunes de moins d’un mois. Le diagnostic se fait soit par une culture positive sur prélèvement fécal ou par une recherche par PCR sur fèces ou sur biopsie rectale (plus sensible). Compte-tenu de l’excrétion irrégulière des Salmonelles même dans le cas d’affection avérée, il est nécessaire d’obtenir 5 cultures négatives consécutives avant de pouvoir exclure ce pathogène comme cause de la diarrhée. Sur les jeunes (moins d’un mois), une hémoculture est souhaitable. Les complications de la diarrhée sont, en cas de translocation, synovite, ostéomyélite, uvéite et méningite. Le traitement, s’il doit être entrepris, comprend outre la réhydratation, l’administration d’antibiotique (céphalosporine de 3ème génération et aminoglycoside). L’administration (aux USA) de sub-salicylate de bismuth est courante, cependant son efficacité n’est pas prouvée. Une absence de réponse à un traitement agressif de deux jours est d’un pronostic sombre.

Les diarrhées à Clostridies sont causées par deux types deux espèces différentes, Clostridium perfringens (type A et C) et Clostridium difficile. De façon générale, les Clostridies sont les premières bactéries à coloniser le tube digestif du poulain, leur présence est normale dans la flore intestinale. Les bactéries étant présentes dans l’environnement du poulain (sol), le poulain se contamine par voie orale. Cependant, les souches pathogènes de Clostridium perfringens sécrètent des entérotoxines, vont entraîner une inflammation marquée et une hypersécrétion, deux phénomènes participant à l’apparition de la diarrhée. Le poulain présente de la diarrhée associée à des signes de colique et souvent un état de choc avancé. De façon surprenante, les poulains atteints sont souvent ceux étant en bon état et tétant très activement. Le diagnostic se fait par identification des toxines par PCR (A et C) dans les fèces, test extrêmement sensible. Un autre moyen diagnostic est la mise en culture des fèces ; cependant, et ceci est particulièrement vrai pour Clostridium difficile, le milieu d’ensemencement doit être adapté (anaérobie strict). Il semble que les diarrhées causées par les entérotoxines A soient moins sévères, avec une mortalité moindre, que celle causées par le type C. Lors d’infection par cette dernière souche, une bactériémie est courante.  Le traitement par de la pénicilline sodique par voie intraveineuse, associée à un traitement de support doit être entrepris précocement.

Les diarrhées à protozoaires sont rarement diagnostiquées ; dans ces rares cas Cryptosporidies et Giardia sont les deux agents pathogènes incriminés. Il existe un important décalage entre la prévalence (15% à 30% de prévalence sur des poulains sous la mère pour les Cryptosporidies) et les cas effectivement diagnostiqués. Le diagnostic se fait par l’identification d’oocystes dans les fèces mais cela requiert une expérience particulière du laboratoire pour une telle détection. Le traitement est essentiellement un traitement de support. Le même écart entre la prévalence et l’expression de signes cliniques existe pour Giardia, dont la prévalence dans les fèces est de 35% pour les poulains sains. Néanmoins, des cas ont été reportés de poulain souffrant de diarrhée, ayant une importante excrétion de Giardia et ayant également répondu à un traitement de métronidazole.

Les étiologies des diarrhées infectieuses sont donc nombreuses. Bien des cas se traitent grâce à un traitement de support de l’animal. Cependant, les progrès dans les analyses permettent de poser un diagnostic précis dans davantage de cas et ces précisions permettent d’adapter le traitement et les mesures de prévention. De façon générale, les informations manquent quant aux prévalences exactes au sein des élevages en France pour ces différents pathogènes. L’exploration plus approfondie des causes de diarrhées de poulains permettrait de mieux connaître les agents circulant effectivement au sein des élevages nationaux. Le RESPE grâce à son sous-réseau « Syndrôme Diarrhée du poulain » est là pour faire avancer l’état de nos connaissances en ce domaine, si, collectivement, nous lui en fournissons la possibilité.

 

(1) ENVA

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