Les formes épidémiologiques des maladies – Bulletin n°34

par Barbara DUFOUR (1)

La forme épidémiologique d’une maladie caractérise son potentiel d’évolution, quelque fois son extension géographique ou son mode de diffusion et par conséquent conditionne les modalités de lutte qui doivent être prises contre cette maladie. Il est donc important de connaitre la nature des éléments entrant dans les définitions de ces formes épidémiologiques.

Prise en compte de la rapidité de diffusion

Trois formes épidémiologiques sont classiquement retenues pour les maladies selon qu’elles diffusent rapidement, lentement ou qu’elles se manifestent de manière exceptionnelle. La caractérisation de la forme épidémiologique prise par une maladie est une notion strictement descriptive qui ne dépend pas du type de maladie ; ainsi, qu’il s’agisse d’une maladie bactérienne, virale, parasitaire, métabolique ou génétique, la diffusion de cette maladie est caractérisée par la variation forte ou faible de son taux d’incidence ; c’est-à-dire du nombre de nouveaux cas observés pendant une période donnée, rapporté au nombre total de sujets de la population. Ainsi, le suffixe « Epi » est réservé aux maladies diffusant rapidement dans une population (ayant donc un taux d’incidence qui augmente rapidement) et le suffixe « En » à celles diffusant plus lentement (ayant donc un taux d’incidence stable).

Par ailleurs, en langue française on distingue, pour les maladies à diffusion rapide et lente, celles sévissant chez l’animal à qui l’on attribue le suffixe « Zoo » de celles sévissant dans l’espèce humaine possédant un suffixe « Dem ». Cette distinction est particulièrement importante quand on s’intéresse à des maladies zoonotiques pour lesquelles il est essentiel de savoir si l’on caractérise les cas chez l’homme ou chez l’animal.

Une « épizootie » correspond donc à une maladie dont le taux d’incidence augmente rapidement dans une population animale ; alors qu’une épidémie est une maladie dont le taux d’incidence augmente rapidement dans une population humaine (Toma 1991).

Une « enzootie » est une maladie animale dont le taux d’incidence varie peu et une endémie, une maladie humaine dont le taux d’incidence varie peu dans une région donnée (Toma et al. 1991). Notons que les appellations enzootie et endémie ne sont pas liées au nombre de cas de la maladie (sa prévalence) mais peuvent s’appliquer à des maladies pouvant être peu ou très présentes dans la population correspondante, dans la mesure où leur taux d’incidence reste stable.

Pour les maladies se manifestant de manière exceptionnelle, on ne distingue pas les maladies animales de celles affectant l’homme et on parle pour les deux, de « cas sporadiques ».

La forme épidémiologique d’une maladie est strictement et uniquement une description de sa rapidité de diffusion et ne tient donc pas compte des causes de rapidité ou non de cette diffusion.  Celle-ci, pour une même maladie, dépend bien sûr de ses caractéristiques intrinsèques (mode de diffusion notamment) mais également d’autres facteurs très liés au contexte dans laquelle la maladie diffuse. Ainsi, le statut immunitaire (vierge ou au contraire partiellement immun) de la population conditionne également la rapidité de diffusion. Une même maladie peut, dans certaines populations, apparaitre avec une forme épidémiologique d’enzootie ou d’endémie et, dans d’autres, sous forme épizootique ou épidémique. L’infection par le virus West Nile, qui apparait de manière sporadique en France et enzootique dans le bassin méditerranéen (Tunisie notamment) a créé en 2000 une grave épizootie aux Etats Unis ou elle n’avait jamais été identifiée auparavant.

Prise en compte de l’extension géographique

Trois appellations complémentaires sont utilisées pour caractériser l’extension géographique exceptionnellement large d’une maladie couvrant plusieurs continents.

Ainsi, si une maladie animale ayant un caractère épizootique se développe rapidement sur plusieurs continents on parlera alors de « panzootie ». L’Influenza aviaire hautement pathogène H5N1 chez les volailles en 2005 et 2006 ayant envahi non seulement l’Asie du Sud Est mais également l’Europe puis l’Afrique fut qualifiée de panzootie.

De même, une maladie humaine épidémique envahissant rapidement plusieurs continents sera qualifiée de « pandémie ». La grippe humaine H1N1 ayant sévi en 2009 d’abord en Amérique centrale (Mexique) puis en Europe et en Asie fut qualifiée de pandémie.

Enfin, si une maladie est présente de manière stable à peu près partout dans le monde on parle, tant pour une maladie animale que pour une maladie humaine, de « maladie ubiquitaire ». La rage animale peut, par exemple, rentrer dans cette catégorie.

Prise en compte du mode de diffusion

Enfin, il faut citer deux autres termes, plus rarement utilisés, et pouvant quelque fois introduire un peu de confusion car ils relèvent non plus de la simple description de l’épidémiologie d’une maladie mais nécessitent de connaitre son mode de diffusion (épidémiologie analytique). Le préfixe « ana » est appliqué quand une maladie diffuse à partie d’une source commune.

Ainsi, on parlera « d’anazootie » pour une maladie animale diffusant à partir d’une source commune. L’exemple de l’encéphalopathie spongiforme transmissible est souvent cité comme anazootie puisque tous les animaux infectés dans une même cohorte l’ont été à partir d’une source alimentaire commune.

De la même manière on parle « d’anadémie » pour une maladie humaine diffusant à partir d’une source commune. Les toxi-infections alimentaires collectives sont des exemples classiques d’anadémies.

Il faut souligner que ces deux termes peuvent s’appliquer aussi bien à une maladie d’allure épizootique (épidémique) qu’à une maladie d’allure enzootique (endémique).

La précision du langage, à l’heure de la communication mondiale, revêt une importance particulière et il convient donc d’utiliser les bons termes pour parler de la forme épidémiologique d’une maladie. Cette précision est particulièrement importante quand il s’agit de caractériser la forme de la maladie animale ou humaine d’une zoonose par exemple.

(1) Maladies contagieuses et épidémiologie, Ecole vétérinaire d’Alfort