Les « Piroplasmoses sl » du cheval – Bulletin n°35

par JL CADORE (1), G. BOURDOISEAU (1)

Les « piroplasmoses sl » regroupent l’infection à Babesia caballi, vrai piroplasme dont la multiplication se fait dans les globules rouges en prenant la forme de poire caractéristique mais pas la plus fréquente, et l’infection à Theileria equi « faux piroplasme » qui se multiplie dans les lymphocytes d’abord puis les globules rouges prenant alors la forme de croix de Malte. Elles se traduisent par des symptômes très similaires chez le cheval, le mulet, l’âne et les zèbres.

Ces pathogènes parasitant les cellules sanguines sont transmis par de nombreuses tiques vectrices (14 espèces, en France surtout Dermacentor reticulatus) ; on les rencontre en zone tropicale et subtropicale et elles ne semblent pas endémiques en Irlande, Royaume Uni, Pays Bas, Scandinave et Allemagne ni présentes en Australie.

L’infection des tiques par B caballi peut persister chez plusieurs générations de sorte que ces tiques sont les réservoirs contrairement à T equi pour qui les chevaux infectés sont les réservoirs.

L’infection du cheval par B caballi peut durer 1 à 3 ans alors qu’il est maintenant bien admis que l’infection par T equi est permanente. Malgré l’absence du parasite dans le sang au cours des phases de latence, les chevaux sont potentiellement contagieux et à la faveur d’un trouble de l’équilibre entre l’hôte et les pathogènes, l’infection peut se manifester cliniquement par des symptômes décrits plus loin.

Après une incubation de 12 à 19 jours pour B caballi, de 10 à 30 jours pour T equi, ces infections peuvent revêtir une forme aiguë, subaiguë ou chronique.

La première se traduit par un syndrome fébrile, une congestion des muqueuses, des œdèmes, de l’anémie, de l’ictère et une hémoglobinurie, plus marquées au cours de l’infection par T equi.

La seconde ressemble à la précédente mais une perte de poids est rapportée et l’hyperthermie est parfois intermittente et plus modérée.

Les cas chroniques, dont les rapports sont plus fréquents que leur vraie description démontrée, associent perte de poids, troubles digestifs, anémie et baisse de performances. Leur existence n’est pas confirmée dans la mesure où la présence du parasite dans le sang  est rarement prouvée.

Il faut retenir que l’anémie hémolytique (due à la lyse parasitaire des globules rouges par différents mécanismes pathogéniques), l’hémoglobinurie et/ou la biblirubinurie, une thrombopénie et parfois une neutropénie et une lymphopénie sont les signes biologiques retrouvés à des fréquences diverses. Une splénomégalie est également souvent observée.

Ces infections peuvent également être responsables d’avortements et des cas de transmission de la jument à son poulain in utero ont été rapportés.

On comprend alors que la fréquence de ces infections amène le clinicien à les suspecter lors de fièvre isolée, faisant alors rentrer ces maladies dans le diagnostic différentiel incluant au premier chef l’infection par le virus de l’anémie infectieuse et l’anaplasmose.

Les formes intra-cellulaires décrites expliquent que l’examen minutieux du frottis sanguin est un premier moyen diagnostique, associé à d’autres examens biologiques (numération formule sanguine, fonctionnement hépatique et rénal).

Les différents travaux sur les infections expérimentales ont permis de caractériser la réponse immunitaire à ces infections. La fixation du complément manque de spécificité (faux positifs possibles) et de sensibilité, les porteurs chroniques ayant des titres en anticorps faibles et variables en fonction de leur statut immunitaire. L’immunofluorescence indirecte présente une meilleure spécificité et sensibilité et devrait être utilisée conjointement à la précédente technique. Actuellement c’est la technique ELISA qui est officiellement utilisée pour les mouvements internationaux des équidés. Ce test peut rester positif plusieurs semaines après infection. Il se négative en 6 mois environ après un traitement de stérilisation pour Babesia caballi, mais reste positif au moins 24 mois après stérilisation efficace (vérifiée par PCR) pour Theileria equi.

La PCR révèle la présence d’ADN parasitaire et est plus sensible que l’examen du frottis lors d’infection latente. La PCR nichée est plus sensible encore et est intéressante pour le suivi des traitements de stérilisation.

Il n’existe pas d’immunité croisée entre les deux pathogènes.

En zones endémiques, l’objectif demeure de réduire l’expression clinique de l’infection tout en maintenant un portage chronique assurant une certaine immunité de protection. En zones non endémiques, l’éradication de l’infection pour en diminuer les risques est l’objectif thérapeutique majeur ainsi que pour le transport d’un cheval séropositif d’une zone endémique vers une zone indemne.

La molécule utilisée, malgré la perte de son homologation, est le propionate d’imidocarb.Des précautions doivent être prises par rapport aux effets secondaires possibles dues aux propriétés anticholinestérasiques de cette molécule, notamment en injectant des antispasmodiques avant le début du traitement.

(1) Université de Lyon, VetAgro Sup, Campus Vétérinaire, Pôle équin, Clinique équine, Médecine interne

Pour en savoir plus

Cadoré JL, Bourdoiseau G, Beugnet F. Symptômes et traitement des babésioses équines. Point Vét, 1995 ;27 :31.

Daix C. Étude de la faisabilité et de l’intérêt de la mise en place d’un réseau Sydrome « Piro-like » chez les aquidés en France. Mémoire de Master, Paris IX et XII, 2013.

Pitel PH, Amory H, Sandersen C, Legrand L, Fortier G, Cadoré JL. Diagnostic et thérapautique des anémies d’origine infectieuse chez le cheval. Nouveau Prat Équine, 2009 ;5 :25-8.

Pradier S, Cadoré JL . Conduite thérapeutique devant une anémie due aux hémopathogènes non viraux chez les équidés. Nouveau Prat Équine, 2009 ;5 :29-34.

Rothschild C. Equine piroplasmosis. J Equine Ver Sc, 2013 ;33 :497-508.

Tamzali Y. Equine piroplasmosis : an updated review. Equine Vet Educ, 2013 ;25 :590-8.

Wise L, KappmeyerL, Mealey R, Knowles D. Review of equine piroplasmosis. J Vet Intern Med, 2013 ;27 :1334-46.

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