Maladie de l’herbe (Dysautonomie Equine ou Equine Grass Sickness) : une nouvelle étude dans le cadre du RESPE – bulletin n°38

par Pierre Tritz (1,7), Claire Laugier (2), Jackie Tapprest (2), Dominique Votion (3), Virginie Maisonnier (4), Michel R. Popoff (5), Agnès Leblond (6,7)

La maladie de l’herbe (MH) (dysautonomie équine, Equine Grass Sickness) est une polyneuropathie qui atteint le système nerveux central et périphérique chez le cheval. Cette maladie d’étiologie inconnue atteint presque exclusivement les chevaux à l’herbe qui développent des symptômes caractéristiques en relation avec une dégénérescence neuronale dans le système nerveux autonome et dans l’innervation intestinale.

Les formes aiguës et subaiguës de la maladie sont presque toujours fatales. La maladie est essentiellement décrite dans les iles britanniques et n’a fait l’objet que de très rares études et publications en France dont une étude de la commission maladies infectieuses de l’AVEF. Quelques cas ont été recensés par le RESPE, qui est alerté régulièrement par des vétérinaires ou des propriétaires inquiets, ce qui a conduit le Conseil Scientifique et Technique (CST) du RESPE à relancer une nouvelle étude épidémiologique sur cette maladie en France en collaboration avec le laboratoire de pathologie équine de l’ANSES et l’institut Pasteur (unité des toxines et pathogénie bactériennes, zone anaérobie).

Problématique

Depuis la première description en Ecosse en 1909, la maladie a été décrite dans plusieurs pays essentiellement de l’Europe du Nord (Allemagne, Suisse, Pays Bas, Autriche, Danemark…).

En France, la maladie a été décrite pour la première fois en 1988, et entre 2003 et 2007, 19 cas suspects et 4 confirmés ont été enregistrés dans le cadre du sous-réseau syndrome neurologique du RESPE.

Un étude de la commission maladies infectieuses, parasitaires et épidémiologie de l’AVEF de mars 2010 à novembre 2011, a porté sur 9 cas confirmés, 13 suspects, et 11 témoins, et a permis l’élaboration d’une grille de score. (1,3)

Plusieurs cas dramatiques de maladie de l’herbe survenus en Mayenne sur des trotteurs en 2015 (4) ont conduit le CST du RESPE à relancer une étude épidémiologique afin de mieux décrire la maladie en France, d’améliorer le diagnostic ante-mortem, de rechercher les facteurs de risque, et d’approcher enfin une étiologie.

Diverses hypothèses ont été évoquées d’agents infectieux ou toxiques présents dans le sol des pâtures sous certaines conditions environnementales ou dans l’intestin en cas de dysmicrobisme, ou d’une toxi-infection botulique par Clostridium botulinum de type C, ou encore d’une entérotoxicité particulière de Clostridium perfringens… (1,2)

Clinique et diagnostic, examens complémentaires

Il existe 3 formes décrites de la maladie, une forme aiguë, une forme subaiguë et une forme chronique. Les symptômes principaux sont des coliques, de la tachycardie (accélération du rythme cardiaque), un ileus (occlusion intestinale), de la dysphagie (difficulté à avaler), des bouchons œsophagiens, du ptyalisme (hypersalivation), des tremblements, de la sudation, une ptose palpébrale (yeux mi-clos), une rhinite sèche (irritation et inflammation de la cavité nasale).

Les examens complémentaires de première intention sont un test à la phényléphrine, une endoscopie de l’œsophage, un transit baryté, une analyse d’urine (protéines, créatinine, pH, glucosurie), une prise de sang (hématocrite, urée, cortisol).

Les examens complémentaires de seconde intention sont la bactériologie, avec recherche de C. botulinum dans le contenu intestinal, recherche de toxine botulique (plus particulièrement BoNT/C) dans le sérum et/ou le contenu intestinal, la biopsie de l’iléon sous laparotomie, la biopsie rectale.

A l’autopsie, les principales anomalies macroscopiques sont, dans la forme aiguë, un iléus paralytique avec dilatation gastrique et, dans les formes moins aiguës, une impaction du côlon replié avec un contenu solide et sec souvent noirâtre en surface et moulé selon les haustrations. L’analyse histologique de ganglions nerveux (cervicaux supérieurs et caeliaco-mésentérique) et de l’iléon permet le diagnostic définitif.

Etude RESPE

L’objectif général de l’étude est la surveillance de la maladie de l’herbe chez les équidés. Les objectifs spécifiques sont :

– La réalisation d’un état des lieux pour recenser les cas en France ;
– La détection précoce des cas et l’appel à la vigilance selon les zones touchées ;
– L’amélioration des connaissances sur cette maladie à travers le recueil de données épidémiologiques et des analyses, la validation de la grille de score ;
– Une aide au diagnostic de la maladie pour les vétérinaires sentinelles, avec restitution de l’information aux vétérinaires.

Les éléments à compléter et à recueillir lors de la sélection d’un cas sont :
1) La déclaration en ligne sur le site du RESPE (via google forms)
2) Les prélèvements standardisés pour examens de laboratoire

Les prélèvements à réaliser sur cheval vivant sont 6 tubes « sec » de sang, du liquide de reflux stomacal et une biopsie rectale sous formol à 10% ; sur cheval mort, on ajoutera en plus des 6 tubes « sec » de sang, des prélèvements d’iléon, de ganglions du système nerveux autonome ( principalement le ganglion coeliaco-mésentérique) et du contenu intestinal (environ 20 g) prélevé au niveau de l’intestin grêle.

Ils seront expédiés à l’institut Pasteur et au laboratoire LABEO Frank Duncombe (pour les modalités se référer au site RESPE).

Conclusion

Malgré le faible nombre de cas rapportés en France, la maladie de l’herbe représente un réel problème ; d’abord parce que le diagnostic reste délicat : il est basé sur la clinique et l’épidémiologie or la clinique est peu caractéristique et l’évolution vers la mort souvent bien trop rapide pour que des examens complémentaires en vue d’un diagnostic précis soient mis en œuvre. Finalement, le faible nombre de cas ne permet pas de poser des conclusions validées par une analyse statistique, ni d’améliorer nos connaissances pour rationaliser l’approche diagnostique sur les critères cliniques et épidémiologiques uniquement. De plus, les examens complémentaires à mettre en œuvre pour confirmer une suspicion clinique sont peu connus.

Ces réflexions laissent à penser que la maladie de l’herbe, parce que mal connue, est en général sous-diagnostiquée en France, ou parfois suspectée à tort par certains praticiens. Pour progresser dans la connaissance de cette maladie, le RESPE a souhaité mettre en œuvre un protocole spécifique de collecte de données cliniques et épidémiologiques. L’objectif de ce travail est, en premier lieu, de valider le guide de procédure diagnostique pour qu’il permette de classer un individu en « suspect », « probable » ou « confirmé », en tenant compte d’un certain nombre de critères épidémiologiques, cliniques et d’examens complémentaires. Dans un deuxième temps, un recueil de cas prospectif a débuté en mars 2016 pour une durée de 1 an et permettra de recueillir des données complémentaires et d’établir la prévalence de la maladie en France. Celui-ci devrait permettre d’améliorer la procédure de suspicion et de diagnostic de la maladie et finalement de préconiser de manière adéquate des mesures de prévention aux propriétaires souvent désemparés par la brutalité d’apparition, la gravité des cas et la possibilité d’une résurgence de la maladie dans leur exploitation. Si vous souhaitez déclarer un cas ou obtenir des renseignements complémentaires, vous pouvez télécharger les documents relatifs à cette étude sur le site du RESPE, ou bien contacter le RESPE ou l’un des responsables du sous-réseau « Syndrome Neurologique » du RESPE, Pierre TRITZ (pitritz@wanadoo.fr) ou Agnès LEBLOND (agnes.leblond@vetagrosup.fr).

Bibliographie

Christophe Lhomme. Contribution à l’étude histologique de la dysautonomie équine. Thèse de doctorat vétérinaire. Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse 1996, pp 82.

1) A Leblond , G Pertriaux, A Nicolier, P Tritz, C Laugier,F Valon, Maladie de l’herbe ,le point et perspectives , AVEF Lyon 2011

2)  RS Pirie, R C Jago, PH Hudson, Equine Grass Sickness , Eq Vet Journal,46(2014) ,545-553

3) J Bontemps, G Pertriaux, MC Greppi , K Chalvet-Monfray, P Tritz, J Tapprest ,A Leblond, Validation d’une grille de score pour la suspicion de maladie de l’herbe , AVEF Pau 2014

4) C Leleu, S Cuiller, I Arktar, T de Beauregard, Multiples cas d’Equine Grass Sickness (EGS) ou maladie de l’herbe, AVEF Paris 2015

(1) Clinique vétérinaire de Flauquemont
(2) ANSES Dozulé
(3) Université de Liège
(4) RESPE
(5) Institut Pasteur – Unité des Toxines et pathogénies bactériennes
(6) VetAgro Sup
(7) Responsables du collège Syndrome Neurologique du RESPE

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