Rhodococcose

La rhodococcose est une maladie du poulain âgé de 3 semaines à 6 mois, infecté par la bactérie Rhodococcus equi. L’incubation est de 3 à 6 jours. Les symptômes sont essentiellement respiratoires, mais peuvent aussi être digestifs (diarrhées) ou ostéo-articulaires et locomoteurs (polyarthrites, ostéomyélites, myosites suppurées...). Seuls les poulains peuvent être malades, mais les adultes sont porteurs sains s’ils séjournent dans un environnement contaminé. Le taux de morbidité (% de malades) est d’environ 17%, toutes races confondues. La mortalité (% morts) peut être très importante et atteindre plus de 80% en l’absence de soins des animaux les plus maladies.

Causes de la maladie

La bactérie « Rhodococcus equi » :

  • est très répandue dans le milieu ambiant ;
  • présente une grande variété de souches bactériennes qui ne sont pas toutes pathogènes (ou virulentes) ;
  • est présente dans le tube digestif des chevaux adultes et peut se multiplier dans les crottins si les conditions d’humidité et la température lui sont favorables ;
  • est présente dans les poussières, en suspension dans l’air notamment par temps sec et peut contaminer directement la muqueuse respiratoire des poulains (ex : poulain qui marche dans la poussière derrière sa mère) ;
  • persiste longtemps dans le milieu extérieur, dans les sols (surtout s’ils sont secs) notamment dans les pâtures rases, les zones très fréquentées par les chevaux (autour des râteliers et des abreuvoirs et les paddocks non enherbés) ;
  • est détruite par les désinfectants phénoliques (à base de phenol).

Transmission

Le mode de transmission de cette bactérie est principalement respiratoire : les matières fécales et poussières contaminées sont inhalées par les poulains et les contaminent.

Les fortes concentrations de poulains, les rassemblements, les déplacements plus nombreux, la quantité d’adultes porteurs sains ainsi que les locaux et sols contaminés sont en cause dans le nombre important de cas recensés chaque année.

Le risque de développement de la maladie chez les poulains exposés est la résultante de la combinaison des 3 facteurs déterminants que sont :

  1. la virulence de l’agent infectieux,
  2. l’environnement,
  3. la condition du poulain.

Symptômes

Plusieurs formes cliniques de cette affection sont décrites :
une forme respiratoire aiguë, pneumonie ou bronchopneumonie, la plus courante, souvent abcédative ;

  • une forme intestinale, d’apparition moins
    brutale que la forme respiratoire, souvent à l’origine d’abcès abdominaux ;
  • une forme musculo-squelettique : atteintes de l’appareil locomoteur, notamment des articulations avec arthrites.

Généralement les signes cliniques incluent :

  • une forte hyperthermie ;
  • de la toux, pouvant aller jusqu’à la détresse respiratoire ;
  • une éventuelle perte d’appétit ;
  • de l’abattement.

L’évolution de la maladie peut parfois être insidieuse avec des signes cliniques frustres, puis se révéler de façon brutale et progresser très vite en maladie respiratoire aiguë, détresse respiratoire et mort soudaine.
Les infections à Rhodococcus equi peuvent souvent avoir une issue fatale pour les poulains fortement atteints.

Les poulains entre 1 et 3 mois sont les plus sensibles.
En effet, la période de 1 à 3 mois est celle de la diminution de l’immunité colostrale, sans pour autant que la protection du poulain soit suffisamment efficace.

Cependant, il semble que les poulains se contaminent le plus souvent très tôt après la nais- sance, dès même la première semaine de vie, et ce d’autant plus facilement que le colostrum de la mère contient peu d’anticorps. Les poulains nés tard dans la saison (juin, juillet), au moment des périodes chaudes sont plus sensibles du fait du contexte environnemental favorable au développement de la bactérie (chaleur et humidité) d’une part, à sa dissémination lors de sécheresse, et à la concentration plus importante de mères et de poulains d’autre part.

Alors que les poulains âgés de moins de 2 mois ne déclarent souvent que la forme respiratoire (pneumonie), les formes intestinales sont majoritairement observées chez les poulains plus âgés (3 à 6 mois).

Le diagnostic clinique de la rhodococcose se base sur les signes cliniques décrits précédemment (pneumonie avec hyperthermie, abattement, toux, jetage), mais ces symptômes n’étant pas spécifiques, la confirmation de l’infection par Rhodococcus equi ne peut se faire qu’à l’aide d’examens complémentaires de laboratoire.

En effet, si les bronchopneumonies sont une cause fréquente de mortalité des poulains, le principal agent responsable des pneumonies est le Streptocoque (S. equi zooepidemicus), pathogène dès lors qu’il a pénétré les muqueuses lésées et pour lequel le traitement est différent.

L’imagerie est très utile pour objectiver l’étendue des lésions pulmonaires, voire même pour la prise de décision thérapeutique et contrôler l’efficacité des traitements. Ainsi la radiographie, mais mieux encore l’échographie pulmonaire sont des éléments diagnostiques et de suivi thérapeutique très importants qu’il faut se donner les moyens de mettre en œuvre avant toute décision de traitement antibiotique.

Ainsi, l’échographie permet d’établir une cartographie pulmonaire du nombre et de la taille d’éventuels abcès à partir de laquelle un score lésionnel est défini et détermine, en corréla- tion avec les signes cliniques, les options et schémas thérapeutiques, dont l’attente avec surveillance sans mise en place de traitement fait partie. Un screening échographique régulier permet une bonne surveillance voire l’anticipation du développement de la maladie de manière foudroyante dans les élevages et fait partie des plans de prévention utile en environnement à risque.

La seule présence d’abcès à l’échographie n’est pas synonyme de rhodococcose et de mortalité imminente : les abcès sont des lésions de bronchopneumonie qui ne présagent pas du germe en cause. Leur taille et leur nombre mis en relation avec l’état général du poulain reflètent la gravité et la nécessité d’agir médicalement.

Le diagnostic de laboratoire de la rhodococcose est réalisé par analyse bactériologique et identification de la bactérie à partir d’un prélèvement respiratoire (lavage trachéal ou écouvillon) ou articulaire du poulain atteint. La sérologie ou la PCR sur ces mêmes prélèvements, voire sur le sang ou encore les fèces peuvent également être utiles.
Les seules analyses de sang pour numération formule et fibrinogène peuvent révéler et confirmer un état inflammatoire ou infectieux sans permettre d’en affirmer la cause.

Comme toutes les bactéries R. equi ne sont pas virulentes, y compris chez les poulains (nécessité de l’expression d’un plasmide de virulence), la seule détection du germe ne doit pas déclencher la mise en place d’un traite- ment, mais favoriser la surveillance et la vigilance quant à l’apparition de signes cliniques évocateurs.

Sur un poulain mort, l’identification de Rhodococcus equi par bactériologie et/ou PCR est nécessaire pour confirmer le diagnostic.

Traitement & prévention

Traitement
Le traitement est spécifique et soumis à réglementation.

Le traitement de la rhodococcose est basé sur :

  1. le diagnostic après examen clinique, imagerie par échographie pulmonaire et résultats de laboratoire ;
  2. le choix des poulains à traiter en fonction du contexte clinique, du score échographique pulmonaire et de l’environnement : les poulains ne présentant pas ou seulement des signes cliniques frustres avec peu d’images échographiques guérissent généralement sans traitement médical ;
  3. une antibiothérapie spécifique soumise à réglementation, puisqu’elle utilise des molécules à usage réservé à la médecine humaine ;
  4. un suivi clinique et thérapeutique de l’évolution des symptômes et de la maladie, notamment par les scores d’échographie pulmonaire ;
  5. le choix du moment de l’arrêt du traitement en fonction des critères cliniques et du stade de l’immunité du poulain et de l’environnement (climat, concentration d’animaux, porteurs sains) ;
  6. les mesures d’hygiène des locaux, notamment concernant la gestion des crottins et de la poussière, voire des adultes porteurs sains, y compris les poulinières.
    Une fois le diagnostic posé, le traitement adéquat recommandé pour la rhodococcose équine des poulains malades consiste en l’administration conjointe obligatoire de 2 familles d’antibiotiques, le plus souvent par voie orale : les macrolides et la rifampicine.
    A défaut de diagnostic précis quant à l’origine de la pneumonie et dans l’attente de résultats de laboratoire, un traitement à base de pénicilline + gentamicine est indiqué, souvent utile et conforme à la législation sur l’utilisation des antibiotiques :
    – Arrêté ministériel du 22 juillet 2015 relatif aux bonnes pratiques d’emploi des médi- caments contenant une ou plusieurs subs- tances antibiotiques en médecine vétéri- naire ;
    – Décret 2016-317 du 16 mars 2016 relatif à la prescription et à la délivrance des médi- caments utilisés en médecine vétérinaire contenant une ou plusieurs substances an- tibiotiques d’importance critique ;
    Arrêté du 18 mars 2016 fixant la liste des substances antibiotiques d’importance cri- tique prévue à l’article L5144-1-1 du code de la santé publique.

Le traitement est prescrit par ordonnance rédigée par un vétérinaire, après examen clinique et diagnostic justifié de la maladie, d’autant plus que les antibiotiques utilisés sont soumis à des restrictions d’usage définies par la loi.

La durée du traitement est adaptée au résultat thérapeutique reconsidéré régulièrement par le vétérinaire et ne doit en aucun cas dépasser 3 semaines sans réponse clinique évidente.

L’administration d’antibiotiques en prévention de la maladie sur un poulain sain est totalement INEFFICACE et INTERDITE.

De même l’automédication et le traitement sans examen et prescription vétérinaires sont interdits et peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires.
Le traitement médical doit s’accompagner de mesures d’hygiène (nettoyage des boxes, humidification des sols, diminution de la quantité de la poussière) afin de limiter l’étendue de la contamination.
La guérison sans séquelle n’est pas toujours possible.
La vaccination contre la rhodococcose (poulain et/ou mère) n’existe pas et n’est pas envisageable à ce jour compte-tenu de la complexité de la maladie.
L’utilisation d’auto-vaccins, à défaut de protéger assurément contre la rhodococcose, stimule l’immunité générale et aide à lutter contre la maladie.

Prévention
Facteurs de risque de la rhodococcose
Le risque de contamination à Rhodococcus equi est plus élevé dans les élevages où la maladie a déjà été détectée les années précédentes ainsi que dans les pâtures en terre et poussiéreuses et dans les boxes sales et en courant d’air.

Dans ces cas, il est conseillé de faire des prélèvements de terre et de poussières pour rechercher la présence de la bactérie :

  • Réaliser 3 échantillons sur 4 sites (écurie, lieux de passage, barrières,
    paddocks) ;

Le laboratoire d’analyses fournit le matériel nécessaire aux prélèvements ainsi qu’une fiche technique pour la réalisation de ceux- ci.
Le risque d’apparition de la maladie augmente si :

  • le nombre de bactéries présentes est important : > 10.000 germes/gramme ;
  • la souche isolée est pathogène par rapport à une souche non pathogène (présence
    du plasmide de virulence) ;
  • la souche isolée est résistante aux antibiotiques par rapport à une souche sensible.

Prévention : Juments
Il faut limiter la contamination des animaux sensibles en :

  • favorisant les naissances précoces et éviter les périodes de concentration des poulains de 1 à 3 mois au moment des périodes de grande chaleur ;
  • isolant et protégeant les juments prêtes à pouliner des autres animaux ;
  • séparant les juments suitées des autres et en favorisant de petits groupes de juments ;
  • en identifiant les juments porteuses saines pour optimiser la surveillance les années suivantes.
    L’utilisation d’auto-vaccins sur les juments des sites à risque important ou à historique de rhodococcose peut être envisagée avec le vétérinaire de l’élevage.
    Prévention : Poulains de 1 à 3 mois
    Le diagnostic précoce et la surveillance clinique rapprochée, y compris des formes subcliniques grâce à l’échographie notamment est la meilleure prévention.

Surveillance de l'état général du poulain
Figure 1 : Surveillance de l’état général du poulain

Outre l’examen clinique et l’imagerie qui confirment la pneumonie, seuls les examens de laboratoire spécifiques pour l’identification du germe permettent le diagnostic de la rhodococcose.

Poulains sains :

  • Vigilance et surveillance attentive de l’état général et du comportement (tétée, éveil et réactivité) ;
  • Surveillance quotidienne de la température et de la fréquence respiratoire.

Poulains suspects (température > 38,5°C ou respiration rapide, même si absence de toux) :

  • Isoler des autres juments à pouliner et des juments suitées (ex : box à l’autre bout de
    l’écurie) ;
  • Appliquer les mesures d’hygiène et de prévention des contaminations : ne pas aller d’un poulain suspect ou malade vers un poulain sain, ou vers une jument à pouliner sans se laver et se désinfecter les mains, porter une blouse réservée pour les soins des poulains malades, etc. ;
  • Appeler le vétérinaire pour un examen clinique en cas de doute ou si la température devient anormale > 38,5°C et lui demander de réaliser les examens nécessaires au diagnostic étiologique de la pneumonie.
  • Quarantaine : éviter d’introduire dans l’élevage une jument dont le poulain est suspect ou malade. Sinon les isoler aussitôt.

Prévention : Dans la structure
La prévention de la rhodococcose s’appuie beaucoup sur la vigilance dans l’application de mesures sur l’environnement.

Écuries et boxes

  • Ils doivent être propres avec une bonne ventilation et une attention particulière portée au confort des poulains.
  • Les crottins doivent être ramassés tous les jours.
  • Procéder à un nettoyage soigné et une désinfection tous les 15 jours avec un désinfectant (certains désinfectants ont prouvé leur activité bactéricide in vitro sur une souche de référence Rhodococcus equi). Il est conseillé de désinfecter toutes les surfaces après nettoyage : matériels, véhicules, écu- ries, locaux, matériels de stockage et de préparation de la nourriture des animaux. Il faudra particulièrement désinfecter les locaux communs (barre d’échographie et d’insémination), ainsi que les boxes (ramassage des crottins très régulièrement, désinfection entre 2 chevaux).

Surveillance de l'état général du poulain
Figure 2 : Les zones très piétinées peuvent aussi être des réservoirs à bactéries, d’où l’intérêt de déplacer les mangeoires et les bacs à eau

Paddocks
Il faut limiter la multiplication bactérienne sur le site et le risque de contamination par la poussière en :

  • Evitant la concentration trop importante de juments suitées dans les paddocks ;
  • Arrosant les zones de passage qui sont poussiéreuses ;
  • Ramassant les crottins dans les paddocks et les abris ;
  • Réservant les paddocks bien enherbés aux juments suitées ;
  • Déplaçant régulièrement les abreuvoirs et mangeoires pour éviter les zones piétinées.

Déplacer les râteliers
Figure 3 : Déplacer les râteliers

Bibliographie

La Rhodococcose, C. Daix, J. Tapprest, S. Petry, fiche maladie du RESPE, Juin 2014

Divers articles vétérinaires M Venner et S Giguère (notamment Vet Clinics of North
America, Colloque Havemay