Ictère hémolytique du poulain nouveau-né

Bien que ne touchant qu’environ 1 à 2% des poulains, l’ictère hémolytique préoccupe les éleveurs. Voici quelques éléments permettant de comprendre le mécanisme de cette affection, les outils diagnostiques ainsi que les moyens de prévention.

Causes de la maladie

L’immunité du poulain
Bien qu’immunocompétent dès 7 mois de gestation, le poulain naît sans anticorps. Ceci s’explique par la placentation de la jument, qui, de type épithéliochoriale, ne laisse pas passer ces grosses molécules de la circulation sanguine maternelle au poulain.
Il est donc capital que ce dernier absorbe rapidement après sa naissance du colostrum, premier lait de la jument qui apporte des anticorps maternels, concentrés dans la mamelle en fin de gestation (2-3 semaines avant poulinage).


Figure 1 : Le poulain nouveau-né n’a pas d’anticorps : le colostrum maternel est indispensable à son immunité

L’immunisation de la jument
A la différence de l’homme qui présente 4 groupes sanguins potentiels (système ABO), le cheval présente un polymorphisme de 8 groupes sanguins majeurs comprenant chacun au moins deux formes différentes (« allèles »), d’où de nombreux groupes sanguins possibles et une chance infime que deux individus soient exactement du même groupe. Par conséquent, la jument et son poulain n’ont en règle générale pas le même groupe sanguin car ce dernier a hérité en partie de celui de sa mère et en partie de celui son père.

Les échanges fœto-maternels se font au travers des 6 couches tissulaires du placenta, il n’y a donc pas de contact entre leurs sangs. Mais parfois, des micro-hémorragies du placenta ont lieu en fin de gestation ou au cours du poulinage : des hématies du poulain entrent en contact avec la circulation sanguine de la mère. Ces cellules, identifiées comme du « non soi » par le système immunitaire de la jument provoquent une réaction classique: élaboration d’anticorps spécifiques afin de réagir en cas de rencontre ultérieure. C’est le principe de la vaccination.

Figure 2 : L’absorption du colostrum maternel apporte des anticorps au poulain

Ce processus prend quelques semaines, le poulain ayant provoqué l’immunisation ne risque rien : « son » colostrum est déjà fait. Par contre, les poulains suivants, s’ils présentent le même groupe sanguin, seront à risque.

Les groupes sanguins à risque
Pour la plupart des groupes sanguins, la réponse immunitaire de la jument est peu intense et de courte durée. Ainsi, lors du poulinage suivant, le colostrum ne contiendra plus ou peu d’anticorps « anti-hématies ». Cependant, deux groupes sanguins notamment, plus immunogènes, provoquent une immunisation de plus longue durée, réactivée à l’approche de chaque nouvelle mise bas : les groupes A et Q. Le colostrum d’une jument immunisée contiendra alors des anticorps qui peuvent détruire les globules rouges ou hématies du poulain dès sa première tétée (selon son groupe sanguin).

Symptômes

Les poulains naissent normaux et la première journée de vie se déroule normalement.
Les premiers symptômes apparaissent entre 24 et 48 h :

  • Poulains faibles, abattus ;
  • Perte du réflexe de succion ;
  • Muqueuses pâles/anémie (destruction des hématies) puis ictère (muqueuses jaunes) ;
  • Augmentation des fréquences cardiaque et respiratoire.

Muqueuses oculaires ictériques

Figure 3 : Muqueuses oculaires ictériques

La rapidité et la sévérité des symptômes dépendent de la quantité et de l’activité des anticorps absorbés dans le colostrum.
Forme grave : apparition et mort rapide.

Forme bénigne : apparition retardée (4 à 9 jours), elle passe parfois inaperçue. C’est le délai d’apparition des symptômes qui conditionne le pronostic.

Traitement & prévention

Traitement

En cas de suspicion d’ictère hémolytique ou de jument poulinière ayant déjà perdu un poulain de cette affection : le poulain ne doit pas consommer le colostrum de sa mère.

Il faut :

  • Assister obligatoirement au poulinage ;
  • Museler le poulain pendant 36 à 48 heures (le temps que son tube digestif ne laisse plus
    passer les anticorps) ;
  • Lui donner un colostrum de substitution à raison d’1% de son poids toutes les deux heures au biberon ou à la sonde ;
  • Traire sa mère pour la maintenir en lactation jusqu’à ce qu’elle produise du lait et plus de colostrum (quand le colotest affiche 0g/l d’IgG).

En cas de début d’ictère (poulain ayant consommé du colostrum maternel), consultez d’urgence votre vétérinaire, qui mettra en place un traitement pour soutenir ses fonctions vitales (perfusions, etc…).
Le retour à la normale prend plusieurs semaines de repos strict pour le poulain (surveillance accrue, éviter les déplacements, etc. ).

Prévention
Les précautions suivantes sont conseillées en cas d’antécédent.
Dans la mesure où l’ictère est la résultante d’une incompatibilité des groupes sanguins de la jument et de l’étalon (le groupe sanguin du poulain étant un « mélange » des deux), le risque est vraiment tributaire du choix du reproducteur…

Deux solutions :

  • soit choisir un étalon de groupe sanguin
    compatible avec celui de la jument : alors pas
    de risque d’immunisation du poulain ;
  • soit « gérer » le risque d’immunisation : si un étalon non compatible est choisi sciemment, pour son potentiel génétique par exemple, ou si l’incompatibilité est diagnostiquée une fois que la jument est pleine, alors il faut assister au poulinage et empêcher le poulain
    de prendre le colostrum de sa mère.
    Toutefois le groupe sanguin des chevaux n’est pas directement communiqué au propriétaire, en France. On peut simplement faire tester en laboratoire la compatibilité entre les groupes sanguins de deux individus (jument et étalon, par exemple), ou la présence d’anticorps anti- hématies dans le colostrum de la jument.

Attention : l’ictère hémolytique est bien lié à un problème d’anticorps mais c’est un problème qualitatif et non quantitatif : le colotest ne peut pas servir à prévenir le risque d’ictère hémolytique.

Y’a-t-il des juments à risque ?

Certaines juments présentent plus de « risques » d’avoir un poulain souffrant d’ictère que les autres :

  • Les juments ayant déjà eu un poulain souffrant d’ictère hémolytique.
  • Les juments ayant eu un difficile (dystocie, poulain volumineux).
  • Les juments qui ont été transfusées (potentiellement immunisées).
    La prévalence de cette affection est de 0,06 à 2 % des naissances.

risque d’ictère du poulain
Figure 4 : Le risque d’ictère du poulain n’est pas le même avec toutes les poulinières