Peste équine, quel risque pour la France ? – Bulletin n°32

par Céline FAVERJON (1), Sylvie LECOLLINET (2), Stéphan ZIENTARA (2), Agnès LEBLOND (1)

Agent pathogène et historique de la maladie

Le virus de la peste équine appartient à la famille desReoviridae, genre Orbivirus, compte 9 sérotypes différents et affecte l’ensemble des équidés. Le virus est transmis par des insectes hématophages. Les principaux vecteurs sont les Culicoides (notamment Culicoides imicola, Culicoides bolitinos et le groupe Obsoletus).

La maladie est considérée comme enzootique en Afrique Sub-saharienne où les 9 sérotypes sont présents mais de fréquentes incursions du virus ont été observées au Maghreb et dans la péninsule arabique (sérotype 9 impliqué). La dernière introduction du virus sur le territoire européen date de 1987 en Espagne et concernait le sérotype 4. Cet épisode a fait suite à l’importation de zèbres infectés et asymptomatiques de Namibie et a engendré la mort d’au moins 1500 chevaux. Le foyer s’est étendu au Portugal et au Maroc et a nécessité la mise en place de mesures d’isolement et de vaccinations massives qui ont couté plus de 30 millions de dollars avant de parvenir à éradiquer la maladie.

Dernières nouvelles du monde : cas de l’Afrique du Sud

En Afrique du Sud 8 des 9 sérotypes circulent de façon enzootique. Un dispositif spécifique à ce pays avait été mis en place par les autorités vétérinaires sud-africaines en collaboration avec l’Union Européenne. Ainsi, l’UE avait demandé qu’une zone de surveillance sans vaccination autour de Cap Town et qu’une  zone de protection avec vaccination autour de cette dernière ait été  mise en place.  Les chevaux qui devaient être exportés vers l’UE devaient subir une quarantaine (40 jours) en station confinée à Cape Town.  En 2011, un foyer dans la zone de surveillance avait entraîné l’arrêt des exportations vers l’UE. En mai 2013, soit 2 ans après cet épisode, une visite de contrôle a été effectuée par les représentants de l’UE. Cependant, les conditions ne semblent pas encore réunies pour que les échanges directs de chevaux vers l’UE puissent reprendre dans des conditions satisfaisantes.

Risque d’introduction en France

Les principaux vecteurs du virus, les Culicoides, sont présents sur l’ensemble du territoire français. Une introduction et diffusion du virus en France est donc théoriquement possible. L’apparition en 2006 dans le nord de l’Europe du virus de la fièvre catarrhale ovine (ou Bluetongue), virus qui a un cycle épidémiologique très semblable à celui de la peste équine (même famille virale, mêmes vecteurs, même modes de transmission et caractéristiques physio-pathologiques similaires), a renforcé l’idée que le risque d’introduction et de diffusion de la peste équine en France était loin d’être nul. L’émergence en 2011 du virus Schmallenberg, lui aussi transmis par des Culicoides, contribue également à illustrer la potentialité d’apparition en Europe de ce type de maladies vectorielles.

Depuis l’épisode espagnol de 1987 à 1990, la réglementation européenne relative à l’importation d’équidés vivants a beaucoup évolué afin de prévenir l’introduction du virus via des hôtes infectés. Cependant, en ce qui concerne la Bluetongue, la cause de son émergence en 2006 n’a toujours pas été élucidée et les importations légales d’animaux infectés semblent être hors de cause. D’autres voies d’introduction moins aisément contrôlables sont ainsi actuellement envisagées (introduction d’un vecteur infecté via les vents ou les transports commerciaux (avions, bateaux, trains etc.), commerce illégal d’animaux…). Le virus de la peste équine pourrait emprunter des voies similaires pour parvenir jusqu’au territoire français. Il est donc important de bien garder en mémoire le tableau clinique de la maladie car une détection précoce est un élément clef dans le contrôle de ce type d’infection dont les conséquences pourraient être dévastatrices pour l’ensemble de la filière.

Rappels : tableau clinique, diagnostic différentiel et diagnostic

La période d’incubation varie entre 2 et 14 jours et les premiers signes cliniques apparaissent généralement entre 5 et 7 jours après l’infection. La sensibilité de chaque espèce d’équidé est très variable : Chevaux, taux de létalité dépassant les 90% – Zèbres, infection typiquement asymptomatique – Anes et mules, sensibilité intermédiaire et variable selon les individus.

syndrome respiratoire sévère cheval - RESPEQuatre formes de la maladie peuvent être rencontrées :

– Forme pulmonaire ou suraiguë (parfois foudroyante) : hyperthermie (40-41°C), dyspnée sévère, œdème sus-orbitaire et périorbitaire, pétéchies, jetage spumeux et mort en 24 à 72 heures.
– Forme cardiaque ou subaiguë : hyperthermie (39-40°C), insuffisance respiratoire, péricardite exsudative, évolution en 3 à 15 jours.
– Forme mixte : signes semblables aux deux formes précédentes.
– Forme atypique : signes nerveux ou forme fébrile pure.

Atteinte oculaire cheval - RESPE Diagnostic différentiel : selon les formes, encéphalites équines, premiers stades d’une piroplasmose, purpura hémorragique, artérite virale, anémie infectieuse, autres causes d’insuffisance respiratoire, d’œdème pulmonaire et de péricardite.

Diagnostic : nécropsie (type septicémique à dominante respiratoire et cardiaque, hémorragies et pétéchies viscérales), sérologie (anticorps détectables dès 10 à 15 jours après infection) ou virologie. Le seul laboratoire agréé pour effectuer ces analyses est le laboratoire de santé animale d’Alfort (notamment l’unité de virologie).

 

Pour aller plus loin

– Zientara S., Ponçon N., Martínez-López B., Sánchez-Vizcaíno J.M., 2012 (Avril). « La peste équine : de l’expérience espagnole au risque pour la France. ». Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°49 spécial équidés : 26 – 29.

– Mellor, Philip. Scott, et Christopher Hamblin. 2004. « African horse sickness ». Veterinary research 35 (4) (août): 445‑466. doi:10.1051/vetres:2004021.

(1) INRA, Vetagrosup
(2) ANSES/ENVA-UPEC/INRA Maisons-Alfort