Quelle attitude face à un cas de maladie respiratoire virale ? – Bulletin n°28

Anthony SIEGEL (1) pour le collège S.R.A. du RESPE

Face à une suspicion de pathologie virale respiratoire aiguë, nous sommes confrontés à plusieurs objectifs : traiter la pathologie et prévenir efficacement la propagation de manière à limiter les conséquences médicales, sportives et économiques de l’affection. De ce point de vue, effectuer les prélèvements adéquats dans le cadre du sous réseau SRA du RESPE, nous offre la possibilité de diagnostiquer précocement ces affections, pour adapter les mesures thérapeutiques et préventives au sein de l’effectif atteint, et en permettre le suivi épidémiologique sur notre territoire.

Quand suspecter une maladie respiratoire virale ?

La suspicion repose sur l’association de critères épidémiologiques et cliniques : apparition aiguë sur plusieurs individus de symptômes respiratoires supérieurs associés à de l’hyperthermie.

L’examen clinique révèle généralement une forte hyperthermie (> 39°C) qui peut dans un premier temps être associée à des signes respiratoires faibles. Les symptômes respiratoires sont essentiellement supérieurs (jetage nasal, toux spontanée). L’écoulement nasal, classiquement séreux ou séro-muqueux, peut être plus ou moins abondant, et invariablement associé à de l’épiphora. L’atteinte de l’appareil respiratoire moyen et profond est moins fréquente. Des adénopathies, sans abcédation, peuvent être détectées en région mandibulaire ou rétro-pharyngées, et sont souvent sensibles à la palpation.

La symptomatologie peut s’exprimer de façon variable suivant le contexte épidémiologique : généralement intense sur les jeunes individus, plus atténuée sur les adultes d’âge moyen. La grippe n’atteint que rarement les très jeunes individus (âgés de moins de dix mois), alors que les herpes viroses (HVE1, HVE2, HVE4) contaminent préférentiellement les plus jeunes (avec des formes graves ou mortelles possibles dès la naissance pour HVE1).

La vaccination n’empêche pas la contamination virale mais limite l’intensité des symptômes et probablement l’excrétion virale. Les individus atteints peuvent alors exprimer une pathologie beaucoup plus frustre, sans signes respiratoires pour certains ou sans hyperthermie pour d’autres.

Lorsque la consultation ne concerne qu’un seul individu, il faut considérer qu’il s’agit peut-être du premier cas de pathologie virale, surtout si les symptômes sont particulièrement évocateurs, et si toute autre cause d’hyperthermie peut être écartée (sinusite, abcès dentaire, piroplasmoses, entérites, etc).

De façon assez fréquente, distinguer un début de maladie respiratoire virale aiguë (MRVA), d’un début de gourme peut s’avérer complexe. En effet, un individu fortement fébrile, présentant des signes respiratoires supérieurs modérés et une adénopathie débutante, peut se révéler ultérieurement atteint de gourme lorsque des abcèdations ganglionnaires seront identifiées, parfois après plusieurs jours d’évolution (ou parfois même sur un autre individu).

D’un point de vue épidémiologique, certains indices peuvent corroborer la suspicion de pathologie virale respiratoire : introduction récente d’individus dans l’effectif, participation à des compétitions, protocole de vaccination inexistant ou incomplet.

Quel prélèvement effectuer ?

Matériel nécessaire

– écouvillon naso-pharyngé (voir photo). Par sa longueur et la grosseur du coton, il permet de récolter suffisamment de mucus et/ou de virus pour obtenir un résultat positif.

– Milieu de transport pour Virus (ou écouvillon VIROCULT) de couleur rose-orange, se conservant généralement pendant 6 mois.

– A défaut, sérum physiologique et tube sec pour y maintenir le prélèvement totalement humidifié (si un milieu de transport pour virus est disponible secondairement (après retour à la clinique), le prélèvement pourra y être transféré avant envoi).

– Fiche de déclaration RESPE. A défaut, noter l’identification de l’animal, ses dates de vaccinations et les principaux symptômes pour reporter ces informations sur la fiche avant l’envoi au laboratoire.

Quel animal prélever ?

Si plusieurs animaux présentent des symptômes, sélectionner un ou deux individus présentant l’excrétion virale la plus probable (fièvre et jetage nasale depuis 24-72 heures).

Que faire du prélèvement ?

Envoyer sous froid positif (si possible) et par CHRONOPOST.

Jusqu’à l’envoi effectif, maintenir le prélèvement au réfrigérateur.

En attendant les résultats, comment gérer efficacement la situation ?

Mesures préventives

Les mesures à prendre immédiatement sont des mesures d’isolement et de regroupement des individus atteints. Ces mesures ne sont pas toujours simples à mettre en œuvre en fonction de la disposition de l’écurie. Il est également justifié d’appliquer des mesures d’hygiène simples et censées : se laver les mains au savon (+/- utiliser une solution hydro alcoolique sans rinçage) après s’être occupé des individus malades et de leur environnement ; si possible, commencer les soins (litière, alimentation…) par les individus sains et finir par les individus contaminés ; changer de vêtements après s’être occupé des malades…

Ces mesures sont utiles et efficaces. En revanche, leur explication et leur application doit se faire avec bon sens et mesure de manière à ne pas créer d’exagération et de panique non justifiée.

Mesures thérapeutiques

Le traitement médical est avant tout symptomatique : AINS, éventuels antibiotiques (en traitement ou prévention des surinfections ; ce choix est parfois peu opportun en cas de gourme), vitaminothérapie, fluidifiants des sécrétions, inhalations. Dans des cas graves (certaines grippes sur des individus « naïfs »), heureusement exceptionnels, ou sur des jeunes poulains, des mesures plus lourdes peuvent être nécessaires (perfusions en particulier).

Par ailleurs, le repos est essentiel en cas de MVRA (classiquement une semaine par jour de forte hyperthermie). De même, l’amélioration de l’hygiène de l’environnement (limitation de l’exposition aux poussières) peut permettre de prévenir une sensibilisation durable ou chronique des voies respiratoires.

Les résultats

En cas de résultat négatif, d’autres virus plus banals sont souvent suspectés. En particulier les rhinovirus de type B ou A qui comme chez l’Homme se traduisent par une forte contagiosité accompagnée de rhinorée profuse mais sans forte morbidité la plupart du temps. Se souvenir bien évidemment de la possibilité de résultats faussement négatifs, justifiant éventuellement de renouveler les prélèvements, en particulier si d’autres cas surviennent. De ce point de vue, les recherches virales effectuées sur un lavage trachéal peuvent indiquer la présence d’un virus grippal ou d’un herpesvirus pendant les quinze jours suivant l’apparition des symptômes.

Les résultats positifs ont une très forte valeur prédictive positive car les technique utilisées (PCR) sont très sensibles. Un résultat positif à la recherche de génome d’herpes virus n’est pas forcément spécifique d’une infection de ce type. La caractérisation secondaire du type viral par des techniques de laboratoire plus fines ou par séquençage peut confirmer ultérieurement la présence d’un type viral significatif (HVE1, HVE4) ou révéler (assez fréquemment) d’autres virus (HVE2, HVE5) dont la signification clinique et épidémiologique est plus complexe (HVE2), voire discutable (HVE5).

Après les résultats…

L’obtention des résultats permet d’adapter ou de poursuivre les mesures préventives au sein de l’effectif atteint. Un résultat positif pour la grippe doit justifier des mesures renforcées de vaccination et de circulation des individus (participation à des compétitions, entrées et sorties dans l’écurie). Un résultat positif pour HVE1 ou HVE4 entraîne quant à lui des mesures vaccinales plus discutables mais alerte sur la possibilité de survenue de formes nerveuses potentielles. L’identification d’HVE2 n’offre aucune possibilité concernant la prophylaxie médicale. En revanche, HVE2 et HVE4 peuvent expliquer des formes cliniques moins spectaculaires mais des manifestations de contre-performance dites « contagieuse », par les entraineurs, ou agir en tant que facilitateurs de surinfections bactériennes plus ou moins graves (surinfections à streptocoques en particulier) ou de maladies inflammatoires chroniques des voies respiratoires moyennes et profondes chez des jeunes chevaux à l’entraînement.

Le recensement et le suivi des résultats positifs est effectués depuis plusieurs années par le sous réseau SRA du RESPE et nous permet de disposer désormais des informations épidémiologiques pertinentes présentées dans ce bulletin.

(1) Clinique vétérinaire de Bailly