Réalité clinique de l’Anaplasmose chez le cheval – Bulletin n°34

par Claire PROFIZI (1), Véronique BACHY (2), Loïc LEGRAND (3) et Agnès LEBLOND (4)

Introduction

L’Anaplasmose granulocytaire équine, anciennement appelée Ehrlichiose, est une maladie due à l’infection par la bactérie Anaplasma phagocytophilum. Si elle est souvent évoquée, seuls trois cas chez le cheval sont rapportés à ce jour dans la littérature en France (1, 2, 5). Transmise par les tiques à partir d’un réservoir encore non identifié, elle fait partie du diagnostic différentiel du syndrome hyperthermie et abattement chez le cheval. L’Anaplasmose est décrite comme une maladie auto-limitante en une quinzaine de jours, avec un taux de morbidité faible. Cependant, elle reste mal décrite et rarement diagnostiquée. Ce rapport de 7 cas présentés à la Clinéquine ces huit dernières années, a pour objectif d’illustrer  la réalité et la diversité clinique de l’Anaplasmose équine.

Cas cliniques

Entre 2006 et 2014, 7 chevaux ont été diagnostiqués porteurs d’Anaplasma phagocytophilum. Le diagnostic a été établi soit au frottis sanguin par observation de morulas dans le cytoplasme de polynucléaires neutrophiles, soit par PCR. La clinique est très variable selon les cas, le seul point commun étant l’abattement. Les animaux sont âgés de 5 mois à 16 ans, avec quatre animaux jeunes (5 mois à 3 ans) et trois animaux d’âge plus avancé (11 ans à 16 ans). Trois cas sur les 7 sont des cas aigus, avec un abattement, des muqueuses ictériques et une hyperthermie marquée ne répondant pas à l’Imidocarb. Un autre animal est un cas aigu d’hyperthermie et abattement développé lors d’une hospitalisation pour une autre pathologie. Deux cas sont chroniques (plusieurs mois) avec comme seuls symptômes un abattement et un amaigrissement. Enfin, chez un animal, la découverte fut fortuite. Cinq animaux ont été traités soit avec de la doxycycline, soit avec de l’oxytétracycline, avec succès. Pour les chevaux au profil typique (hyperthermie et/ou abattement) la réponse clinique au traitement a été particulièrement rapide. Un cheval est resté positif en PCR deux mois après.

Discussion

L’Anaplasmose est aujourd’hui de plus en plus diagnostiquée, principalement parce que des outils de détection moléculaire ont été développés (PCR) par des laboratoires et sont maintenant accessibles au praticien. La séroprévalence vis-à-vis d’A. phagocytophilum chez le cheval est très variable selon les études, entre 0 et 50%, avec une moyenne de 10%. Cependant des cas d’Anaplasmose clinique sont de plus en plus rapportés dans toute l’Europe (3).

Le nombre de cas diagnostiqués à la Clinéquine est faible, mais il n’est probablement pas représentatif des cas vus en première intention sur le terrain. Ces quelques cas montrent bien la diversité clinique de l’Anaplasmose. En effet, trois des animaux avaient une clinique aigue fortement évocatrice d’une piroplasmose, sans réponse à l’Imidocarb, tandis qu’un troisième animal présentait un fort abattement et un amaigrissement chronique, sans autre symptôme. Les symptômes d’Anaplasmose peuvent être très variables : hyperthermie, abattement, anorexie, œdèmes, difficultés à se déplacer, ictère, pétéchies, ataxie. L’ataxie est fréquemment rapportée dans les rapports de cas au Canada mais aucun cheval dans notre étude n’a présenté ce symptôme. Le traitement conseillé dans la littérature est de l’oxytétracycline.

Enfin, une question importante pour la prévention reste le mode de transmission. En Europe, la tique Ixodes ricinus est le principal vecteur. Les rongeurs, les oiseaux ou le gibier forestier ont successivement été incriminés, mais à ce jour aucun n’a pu être démontré comme réservoir d’Anaplasma phagocytophilum. Les études récentes semblent incriminer le sanglier ou le hérisson comme réservoirs potentiels des souches transmises à l’homme ou au cheval. Ces résultats restent à confirmer.

Conclusion

Les cas d’Anaplasmose présentés à la Clinéquine illustrent bien la diversité et la réalité clinique de cette maladie. Même si l’Anaplasmose reste le plus souvent une infection asymptomatique, elle doit faire partie du diagnostic différentiel d’un syndrome hyperthermie-abattement chez un cheval, et a été incluse de fait, dans le protocole du sous-réseau Syndrome « Piro-Like, avec les piroplasmoses et l’anémie infectieuse des équidés (AIE).

(1) Université de Lyon, VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon, Département hippique, 69280 Marcy l’Etoile, France
(2) Laboratoire Vétérinaire Départemental du Rhône, VetagroSup, Université de Lyon, 69280 Marcy l’Etoile, France
(3) Laboratoire Franck Duncombe, Labéo, 1 route de Rosel, 14053 Caen CEDEX 4, France
(4) INRA-UR 346 Epidémiologie Animale, Theix, et Département Hippique, VetagroSup, Université de Lyon, 69280 Marcy l’Etoile, France*

Bibliographie
1 BERMANN F. et al., Ehrlichia equi (Anaplasma phagocytophila) infection in an adult horse in France, Vet. Record, 2002 ; 150, 787-788
2 BONI M. et al., Isolated fever in horses : a new case of equine anaplasmosis in France, European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases, 2008 ; 15, 64-65
3 DZIEGEL B. et al., Equine granulocytic anaplasmosis, Res. in Vet. Science, 2013 ; 95, 316-320
4 FaRANZEN P. et al., Molecular evidence for persistence of Anaplasma phagocytophilum in the absence of clinical abnormalities in horses after recovery from acute experimental infection, J. of Vet. Int. Med., 2009 ; 23, 636-642