Retour sur la journée iRESPE : état des connaissances et recommandations d’experts – bulletin n°38

par Anne COUROUCE-MALBLANC (1), Stephan ZIENTARA (2), Marion JOURDAN (3) et Christel MARCILLAUD PITEL (3)

La journée iRESPE

Le 29 janvier dernier, le RESPE (Réseau d’Epidémio-Surveillance en Pathologie Equine) organisait au siège de l’OIE à Paris, une journée d’expertise sur la peste équine. Dans un contexte où, d’un pays à l’autre, les réglementations et dispositifs de surveillance sont différents, où les déplacements de chevaux sont de plus en plus nombreux, le RESPE a souhaité réunir des experts impliqués dans la surveillance et la recherche sur cette maladie, autour des risques de son émergence en Europe.

Qu’est-ce que la peste équine ?

C’est une maladie mortelle qui constitue un risque sanitaire majeur pour l’élevage équin en zone infectée (Afrique subsaharienne) et qui a causé à de multiples reprises de grandes épizooties en région méditerranéenne, y compris en Europe (Espagne), à la faveur d’échanges d’équidés.

Comme celui de la fièvre catarrhale ovine, le virus de la peste équine est un arbovirus transmis chez les équidés de façon indirecte par un vecteur, un moucheron hématophage du genre Culicoides. Neuf sérotypes ont été identifiés.

La peste équine n’affecte, dans les conditions naturelles, que les équidés et principalement le cheval, de loin le plus sensible ; la mortalité peut atteindre 90% dans cette espèce. Le mulet, le bardot et l’âne sont moins sensibles. Chez les autres équidés (zèbres notamment), l’infection est inapparente.

La peste équine est réglementée et inscrite sur la liste des maladies à déclaration obligatoire auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). En France, elle est inscrite sur la liste des risques sanitaires de catégorie 1 définie par l’arrêté du 29 juillet 2013 relatif à la définition des dangers sanitaires.

Comment la reconnaître ?

La suspicion est avant tout clinique et il est fondamental que les vétérinaires de demain puissent reconnaître les signes de cette maladie.

L’incubation est de durée variable selon la virulence de la souche et la réceptivité de l’équidé mais est, en moyenne, de 3 à 15 jours. La maladie survient après une poussée fébrile irrégulière et ascendante.

•    Forme pulmonaire (Photo 1) : d’évolution aiguë ou suraiguë, parfois foudroyante, elle se caractérise par une très forte hyperthermie (40 à 42° C en 2 à 4 jours), une tachycardie, une congestion des muqueuses, de l’anorexie et de la sudation. Une dyspnée sévère accompagnée de toux forte est notée. Un jetage spumeux est alors présent au niveau des naseaux. L’animal meurt dans près de 100% des cas en 24-48h.

Photo 1. Cheval atteint de Peste Equine, forme pulmonaire avec jetage spumeux. Photo Alan Guthrie.

•    Forme cardiaque : la maladie évolue plus lentement, sur 3 à 15 jours, et se caractérise par une hyperthermie (39-40°C) et des œdèmes sous-cutanés (œdème des salières (Photo 2) – assez caractéristique – de la face (Photo 3), éventuellement de l’encolure et des membres antérieurs). L’exploration cardiaque permet de mettre en évidence ou de suspecter une péricardite exsudative et une insuffisance respiratoire secondaire. L’animal meurt dans 50 à 70% des cas en quelques jours. Ceux qui survivent récupèrent en environ 7 jours.

Photos 2 et 3. Chevaux atteints de Peste Equine forme cardiaque. Celui de gauche présente un œdème des salières important. Celui de droite présente un œdème de la face et une conjonctivite importante. Photos Alan Guthrie

•    Forme mixte : signes cliniques communs aux deux formes précédentes.

•   Formes atypiques : des signes nerveux (causés par un œdème cérébral) ou des formes fébriles pures (plus facilement observables sur des ânes, mulets ou bardots) sont également décrites.

A l’autopsie, les lésions sont de type septicémique à dominante respiratoire et cardiaque (œdème et congestion pulmonaires, liquide séreux abondant dans les cavités pleurales et péricardique, lésions hémorragiques dans la portion non glandulaire de l’estomac, hémorragies et pétéchies viscérales).

Les signes cliniques et nécropsiques n’étant pas spécifiques de la maladie, le recours au laboratoire est indispensable. Le diagnostic peut être établi par une analyse PCR. Un isolement du virus et un sérotypage doivent néanmoins également être effectués rapidement afin d’identifier le sérotype et ainsi sélectionner le bon vaccin. Une sérologie peut également être effectuée  après 10 à 15 jours d’évolution.

Quels prélèvements faire ?

Sur animal vivant fébrile, les prélèvements à effectuer sont du sang EDTA ou du sérum. Sur animal mort, les poumons, la rate, le myocarde ou les nœuds lymphatiques. Ils sont à envoyer sous couvert du froid à +4°C, sous 24/48h.

Quel est le laboratoire de référence en France ?

Le Laboratoire National de Référence peste équine, est le Laboratoire de santé animale de l’ANSES Maisons-Alfort, Unité de Virologie.

Quel risque d’introduction en France et en Europe ?

L’introduction de la peste équine en Europe et notamment en France pourrait se produire de deux façons : par l’introduction d’animaux malades depuis les zones d’enzootie, ou par l’introduction de vecteurs compétents porteurs notamment via l’Afrique du Nord. Les Culicoides peuvent en effet être transportés sur de longues distances.

Comment anticiper et prévenir son introduction ?

Les mesures restrictives à l’importation de chevaux depuis les pays touchés, ainsi qu’un suivi entomologique adapté, sont nécessaires pour diminuer le risque.

La recherche se penche sur des programmes de modélisation qui permettraient de définir des périodes ou zones à risque afin de cibler au mieux la stratégie de surveillance à mettre en place.

Comment lutter contre cette maladie ?

Il n’existe pas de traitement, et les seuls vaccins disponibles à ce jour présentent les inconvénients de tout vaccin vivant atténué : risque de recombinaison avec des souches virales, ou de réversion du pouvoir pathogène, blocage des échanges commerciaux. De plus, il n’existe pas de protection croisée entre les sérotypes viraux. Enfin, il est impossible de différencier lors d’une analyse sérologique un cheval vacciné d’un cheval ayant été infecté par le virus.

Dans les zones d’enzootie, la lutte passe par l’utilisation raisonnée des vaccins, associée à  des mesures sanitaires strictes. Dans les zones indemnes, la vaccination n’est pas à l’ordre du jour mais serait nécessaire en cas d’émergence.

Le développement de vaccins recombinants (pas de réversion possible du pouvoir pathogène) permettrait d’explorer d’autres stratégies vaccinales. Ces vaccins permettent en effet de différencier les animaux infectés par une souche sauvage des vaccinés (stratégie DIVA –Differentiating Infected from Vaccinated Animals).

La filière équine et les industriels doivent être sensibilisés à l’arrivée potentielle de cette maladie et se mobiliser pour notamment collecter des fonds sachant que 10-12 M d’euros seraient nécessaires pour fabriquer un stock de 3 millions de doses de vaccins DIVA type Canarypox.

(1) ONIRIS
(2) ANSES

(3) RESPE

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