Rhodococcose du poulain : traiter ou ne pas traiter ?

La gestion de la rhodococcose (infection par la bactérie Rhodococcus equi) chez le foal a considérablement évolué dans les 10 ou 20 dernières années. Les formes cliniques ont également changé. Cela résulte en particulier de la mise en place de protocoles de détection systématique et de suivi dans les élevages. Ces méthodes de screening permettent de détecter (et de traiter ?) des formes subcliniques de la maladie.

Le dépistage systématique

Il est fondé sur : le suivi du poids et de l’état général, les analyses sanguines et l’échographie pulmonaire.

  • L’état général : Les formes sub-cliniques se manifestent par un mauvais poil et un défaut de prise de poids.
  • Les analyses sanguines : L’élévation du taux de globules blancs est un signe sensible d’infection par R. equi. Plus le taux est élevé plus ce test est spécifique. Un taux de 15 000 globules blancs/μL a une sensibilité de 78,6% et une spécificité de 90,3% et peut être considéré comme une valeur seuil (Giguère et al., 2003). Le taux de fibrinogène a une moins bonne valeur prédictive, même si un taux de fibrinogène supérieur à 4g/L permet de différencier des poulains sains de poulains sub-clinques entre 2 et 5 semaines (Passamonti et al., 2015). En revanche il n’y a pas de différence significative du taux de S.A.A. (Serum Amyloid A) entre des poulains sains et des poulains atteints ou sub-cliniques (Cohen et al., 2005 ; Passamonti et al., 2015).
  • L’échographie pulmonaire : C’est une procédure très simple, faisable avec une sonde endorectale. Il s’agit certainement de la méthode la plus spécifique de détection des cas sub-cliniques. Les critères d’évaluation et de décision thérapeutique ont évolué avec le temps. Mc Cracken et Slovis en 2009 préconisaient de suivre l’évolution si la lésion la plus importante avait un diamètre de 1 à 2 cm et de traiter si la lésion la plus importante faisait 3 cm de diamètre. Le même auteur conseillait en 2019 de traiter si la lésion la plus importante était supérieure à 5 cm et que le poulain avait un taux de globules blancs supérieur à 18 000./μL et/ou un taux de fibrinogène supérieur à 8g/L. Venner (2020) propose de traiter les foals ayant un score de lésions cumulé de 5 à 15 cm.

 

L’évolution des cas sub-cliniques

Venner (2020) a constaté, lors d’une étude de différentes combinaisons thérapeutiques, qu’au sein du groupe contrôle 88% des poulains ayant des abcès jusqu’à 10 cm guérissaient spontanément. Mc Cracken en 2019 a introduit la notion de foals « progresseurs » (progressors) et « régresseurs » (regressors). 90% et 70% des foals ayant respectivement des lésions initiales de grade 1 à 3 ou 4 à 5 « régressent ». 78% et 55% des foals ayant un grade maximal de 4 ou 5 « régressent ». Il y a donc des raisons suffisantes pour ne pas traiter des poulains présentant des lésions en dessous du grade 5. Cette approche prédictive peut être améliorée en utilisant la SAA (sup. à 75 μg/ml) et le taux de globules blancs (sup. 13 500/μL).

 

L’émergence de souches résistantes aux macrolides et à la rifampicine

Les premières résistances ont été décrites dans les années 2000 aux Etats-Unis. Elles n’ont pas cessé d’augmenter, tant pour la rifampicine (16,1% en 2017) que pour l’érythromycine (13,6%) (Huber et al., 2018). Ceci correspond à l’accroissement du nombre de cas traités suite à l’application de dépistages systématiques.

 

Les effets secondaires des antibiotiques

Il s’agit de l’hyperthermie, mais surtout de la colite induite par les antibiotiques. A noter que le phénomène de diarrhée peut également toucher la mère du poulain traité.

 

Les formes extra-pulmonaires de rhodococcose

Il s’agit de diarrhée, de polysynovite, d’uvéite, d’ostéomyélite ou d’épiphysite septique. Ces formes nécessitent le plus souvent un traitement.

 

CONCLUSION

La mise en place de dépistages systématiques a permis une baisse de l’incidence et de la morbidité de la rhodococcose. Malheureusement elle a contribué aussi au développement de résistances significatives contre les antibiotiques utilisés dans ces cas.

Le suivi échographique et hématologique est essentiel et doit être mis en place au moindre doute. La décision de traiter se fait au cas par cas, en fonction de critères objectifs, sans oublier le taux important de résolutions spontanées. Le taux de guérison spontanée est de 88% sur des poulains présentant un score d’abcès de 5 à 10 cm et de 73% pour un score de 10-15 cm (Venner, 2020). Il faut souvent résister à la pression de l’éleveur afin de prévenir le développement d’antibiorésistance.

 

Article rédigé par le Dr Xavier d’Ablon.

 

Références

Cohen et al. (2005) Study of serum amyloid A concentrations as a means of achieving early diagnosis of Rhodococcus equi pneumonia. Equine Vet J. May;37(3):212-6. doi: 10.2746/0425164054530704.

Giguère et al. (2003) Evaluation of white blood cell concentration, plasma fibrinogen concentration, and an agar gel immunodiffusion test for early identification of foals with Rhodococcus equi pneumonia. J Am Vet Med Assoc. Mar 15;222(6):775-81.  doi: 10.2460/javma.2003.222.775.

Huber et al. (2018) Emergence of Resistance to Macrolides and Rifampin in Clinical Isolates of Rhodococcus equi from Foals in Central Kentucky, 1995 to 2017. Antimicrob Agents Chemother. Dec 21;63(1):e01714-18.  doi: 10.1128/AAC.01714-18.

Mc Cracken and Slovis (2009) Use of thoracic ultrasound for the prevention of Rhodococcus equi pneumonia on endemic farms. Proc Am Assoc Equine Pract (55):38-44

Mc Cracken (2019) Evaluation of white blood cell, fibrinogen, serum amyloid A, and ultrasonographic grate to refine a R. equi screening program. Proc Am Assoc Equine Pract (65):522-530

Passamonti et al. (2015) Rhodococcus equi pneumonia in foals: an assessment of the early diagnostic value of serum amyloid A and plasma fibrinogen concentrations in equine clinical practice. Vet J. 203(2):211-8.  doi: 10.1016/j.tvjl.2014.08.033.

Venner (2020) Treating Rhodococcus equi pneumonia in foals: alternatives to rifampin/macrolide. European College of Equine Internal Medicine