Sous-réseau Syndrome Neurologique du RESPE : bilan de fonctionnement 2014, actualités et perspectives – bulletin n°36
Par Pierre TRITZ (1), Cécile BECK (2), Agnès LEBLOND (3), Sylvie LECOLLINET (2), Stéphane PRONOST (5)
En 2014, même si le réseau est opérationnel, le nombre de déclarations a diminué : on observe seulement 50 déclarations (dont deux qui ont été exclues car il n’y avait ni fiche d’examen ni prélèvement) contre 72 en 2013.
Concernant les 48 cas, les prélèvements effectués ont été du sang prélevé sur tubes secs (72,9% des cas), et EDTA (81,25% des cas), des écouvillons nasopharyngés (62,5% des cas) et du liquide céphalo-rachidien (29,16%des cas). Pour une déclaration, seuls des tubes secs ont été prélevés et pour une autre, le propriétaire a refusé les analyses.
70,8% des prélèvements sont conformes au protocole qui prévoit pour surveiller le virus West-Nile (WNV) 2 tubes de sang secs et pour surveiller l’herpèsvirus équin 1 (HVE1) 2 tubes EDTA contenant du liquide céphalo-rachidien (LCR) ou un écouvillon naso-pharyngé ou encore deux tubes de sang entier sur EDTA. Les tubes secs sont indispensables pour une bonne interprétation et comparaison de la biochimie du sang et du LCR. De plus, le fait de doubler les tubes permet de compléter la demande d’analyse a posteriori pour confirmer une hypothèse qui n’avait pas été envisagée initialement et de rechercher les agents pathogènes suivants : Babesia caballi, Theileria equi, Borrelia burdgorferi, Neospora, Leptospira, virus de l’encéphalite à tique (TBEV), virus du Loupingill (LIV), virus de la maladie de Borna (BDV)…
Le nombre de déclarations varie de aucune en février à 7 en juillet, soit 4 déclarations par mois en moyenne contre 6 déclarations mensuelles en moyenne en 2013.
• Virus West Nile
Aucun cas en France n’a été rapporté en 2014 concernant le WNV. Cependant, cette absence de cas clinique ne doit pas faire diminuer notre vigilance vis-à-visde cette maladie.
En effet, la circulation du virus a beaucoup évolué ces 5 dernières années avec une progression exceptionnelle en Europe (sauf en 2014 où le nombre de cas humains a baissé). Chaque année, de nouveaux territoires européens (en Italie, en Grèce et plus largement dans la région des Balkans) ont été infectés. L’émergence de nouvelles souches virales pathogènes, de lignage 1 et de lignage 2 sur ces dernières années, semble indiquer une intensification des introductions du WNV en Europe avec la diffusion des souches de lignage 2 en particulier.
De plus, la surveillance du WNV permet une surveillance étendue à d’autres Flavivirus responsables d’encéphalites équines. En effet, de nombreuses réactions croisées existent en ELISA entre le WNV et d’autres virus du genre Flavivirus (ex : encéphalite à tique, encéphalite japonaise (JEV) et Usutu). En cas d’ELISA positive et de symptômes nerveux, l’ensemble de ces virus est testé à l’ANSES par séroneutralisation afin de connaitre le virus responsable de la séroconversion chez le cheval.
Distribution des cas de Fièvre de West Nile dans les régions affectées d’Europe et du bassin méditerranéen
• Myéloencéphalite à HVE1 (MHVE 1)
En 2014, des myélo-encéphalopathies herpétiques (MEH) provoquée par l’HVE1 ont été diagnostiquées à 3 reprises en France dans les départements suivants : Bas-Rhin, Seine-et-Marne, Vendée. L‘HVE1 a également été à l’origine d’avortements dans le Calvados, le Tarn-et-Garonne, le Doubs, l’Orne, le Bas Rhin, la Meuse, le Morbihan et l’Indre et de pathologies respiratoires dans le Calvados et l’Eure. Pour cette même année de nombreux cas de MHVE 1 ont été recensés à l’étranger : au Royaume-Uni, en Belgique, en Allemagne et Italie ainsi qu’aux Etats-Unis.
En 2015, sur les 6 premiers mois de l’année, déjà 36 déclarations ont été enregistrées, soit 6 par mois en moyenne, autant que sur l’année 2013. Une sérologie West Nile est revenue positive en février, ce qui a été confirmé par séroneutralisation à l’ANSES : après enquête il s’est avéré que le cheval en question avait séjourné en Floride et avait également été vacciné contre le WNV. Une encéphalo-myélopathie herpétique à HVE1 a été confirmée en Seine-Maritime. Sur un cheval présentant des signes d’encéphalo–myélite, un virus herpès autre que HVE1 a été détecté par recherche PCR herpès consensuel dans le liquide céphalo rachidien.
Perspectives
A partir de 2016, le réseau Syndrome Neurologique devrait connaitre plusieurs évolutions avec, en particulier, la possibilité de faire des déclarations par smartphone. En prévision de cette évolution, les fiches d’examen neurologique ont été simplifiées.
Suite aux appels réguliers de vétérinaires et de particuliers, nous envisageons que tous les cas de maladie de l’herbe ou Equine Grass Sickness (EGS) puissent être déclarés sur une fiche particulière. Le protocole de prélèvement pour la maladie de l’herbe sera remis à jour.
Enfin, en cas d’alerte d’encéphalomyélites infectieuses, le nombre de maladies recherchées sera augmentée (Néospora, maladie de Lyme, virus de Borna, TBEV et JEV).
Conclusion
Le sous-réseau Syndrome Neurologique du RESPE semble maintenant atteindre sa vitesse de croisière avec un nombre de déclarations oscillant entre 50 et 84 déclarations annuelles. Des prélèvements de LCR sont réalisés régulièrement (11 à 23 prélèvements annuels). Ces prélèvements sont très précieux pour avancer dans la connaissance et le diagnostic des encéphalomyélites infectieuses équines. Il faut néanmoins regretter le nombre restreint de prélèvements d’encéphale, prélèvement de choix post mortem, en particulier à cause du manque de structures dédiées à l’autopsie des chevaux. Le recueil des données épidémiologiques, couplé aux fiches d’examen neurologiques, permettent une bonne description des cas cliniques français, comme cela a été présenté lors des dernier congrès AVEF et BEVA. Les MHVE 1 sont les encéphalomyélites les plus souvent diagnostiquées en France. Ce réseau est un outil majeur de la surveillance de la fièvre du West Nile en France et devrait permettre de détecter l’émergence de nouvelles maladies affectant le système nerveux des chevaux. En Allemagne, 3 cas d’encéphalites humaines occasionnées par des virus de la famille des Bornaviridae relancent l’intérêt de la détection du virus de Borna (BDV) et démontre, s’il en était encore besoin, l’utilité de ce réseau.
Les Flavivirus responsables d’encéphalites équines
Les Flavivirus sont des virus enveloppés à ARN simple brin de polarité positive. Le genre Flavivirus compte environ 70 virusresponsables d’affections nerveuses chez les hommes et les chevaux notamment.La plupart sont transmis par des moustiques et moins d’un quart sont transmis par des tiques. Du fait d’une aire de répartition étendue de ces vecteurs, ce genre constitue une des causes majeures des infections à arbovirus à travers le monde.En Europe, les principaux Flavivirus responsables d’encéphalites chez les mammifères sont le WNV, le TBEV, le LIV et dans une moindre mesure le virus Usutu. Pour les équidés, les encéphalites infectieuses virales sont essentiellement duesau WNV. A l’échelle mondiale en revanche, d’autres Flavivirus peuvent infecter les chevaux et être responsables d’encéphalites comme le virus de le JEV en Asie du sud-Est, le virus de l’encéphalite de Saint Louis (SLEV) en Amérique du Nord et le virus de la vallée de Murray (MVEV) en Australie.
(1) co-responsable sous réseau Syndrome Neurologique du RESPE, Clinique vétérinaire de Faulquemont (57)
(2) ANSES, Laboratoire de Santé Animale de Maisons-Alfort (94)
(3) co-responsable sous réseau Syndrome Neurologique du RESPE, INRA EPIA UR346 et Département Hippique, Vetagrosup, Marcy l’Etoile (69)
(4) LABÉO, U2RM EA 4655 Université de Caen Basse-Normandie, Caen (14)