Surveillance épidémiologique – Bulletin n°33

par Sophie PRADIER (1)

Dans la notion ancienne de surveillance épidémiologique, il est question de trouver le moyen de se protéger contre les maladies contagieuses, comme les terribles fléaux qu’ont été la Peste et le Choléra… Mais d’après la littérature actuelle, il n’existe pas de définition standardisée de la surveillance épidémiologique. Pourtant des définitions communément admises et utilisées au quotidien peuvent être proposées. Le terme de surveillance épidémiologique rassemble, d’après les experts, les activités d’épidémiosurveillance (=surveillance des maladies présentes sur un territoire donné) et d’épidémiovigilance (=détection de l’apparition d’un phénomène pathologique dans une population définie, par exemple une maladie exotique ou émergente).

Comme la surveillance des maladies est actuellement souvent internationale et transversale entre santé animale et humaine (« One Health »), il est fondamental de se mettre d’accord sur les définitions, pour plus de transparence et de facilité dans l’échange des données entre pays et disciplines.

 

Définitions générales

Une définition de la surveillance épidémiologique datant des années 1950,  issue de la réflexion desCenters for Disease Control américains est la suivante : « processus systématique de collecte, d’analyse et d’interprétation de données sur des événements de santé spécifiques, importants pour la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des pratiques en santé publique, étroitement associées à leur juste diffusion à ceux qui ont besoin d’être informés ». Cette définition large englobe l’ensemble du processus de surveillance, de la réception du signal à son utilisation.

Trois notions importantes doivent être soulignées, car faisant partie intégrante de la définition de surveillance :

– Le caractère systématique et continu du recueil de données,
– La rétro-information obligatoire, mais plus ou moins rapide des acteurs du réseau,
– Le processus servant nécessairement à l’action en santé publique et/ou animale.

Il sera important de bien distinguer la surveillance épidémiologique de la prophylaxie. Même si la confusion est fréquente, leurs finalités diffèrent fortement. La surveillance sert à produire des données afin de mieux décider, alors que la prophylaxie correspond à la maîtrise, voire la disparition d’une maladie par des actions sanitaires et/ou médicales. Ces deux activités peuvent exister indépendamment. La surveillance peut ne pas être suivie d’actions de prophylaxie, comme souvent pour le RESPE. D’un autre côté, la prophylaxie n’est pas forcément accompagnée d’une surveillance (ex : réglementation des animaux mordeurs en France).

D’autre part, la surveillance est liée à la notion d’alerte : étymologiquement au mot italien all’erta qui signifie « aux créneaux » et par suite logique all’arma qui signifie « aux armes ». Une fois l’alerte donnée, deux cas de figure se produisent, soit la mise en place de mesures de lutte, soit la poursuite de l’observation, si le seuil critique n’est pas encore atteint pour agir. Ce seuil est défini au cas par cas en fonction de la gravité, de la fréquence et de la capacité de maîtrise de l’évènement. En résumé, l’alerte est dépendante de la capacité de détection, de la notion de seuil et de la réactivité du système de surveillance.

 

Surveillance passive (« réactive ») versus surveillance active (« proactive)

Il était classiquement distingué ces deux types de surveillance :

– Passive : issue de données récoltées en routine au cours de l’activité médicale. Cette surveillance est souvent encadrée par la loi et n’est donc pas basée sur la participation volontaire des acteurs. Un des exemples en santé équine de ce type de surveillance est le dépistage de l’Anémie Infectieuse Equine ou de toute maladie à Déclaration Obligatoire.

– Active : prend source dans des données recueillies spécifiquement par une organisation dédiée à cette fonction. Ce type de surveillance peut être encadrée par une réglementation ou pas. Le meilleur exemple est le RESPE avec ses sous-réseaux. Comme ce système est exclusivement basé sur le volontariat des acteurs, il faut qu’il y ait un bénéfice pour eux, soit par la rétro-information sanitaire, la formation continue, l’aide au diagnostic ou même une rémunération financière. Evidemment cette surveillance coûte plus cher que la première, mais apporte des données plus exhaustives et élaborées.

– Actuellement, les termes de surveillance « active » et « passive » ont tendance à être remplacés par « proactive » et « réactive », car ils sont plus explicites.

Enfin il est intéressant de définir qui sont les destinataires des résultats collectés. En plus des vétérinaires sentinelles, il ne faut pas oublier les autorités sanitaires, afin d’orienter les mesures de lutte, la population générale qui a droit à l’information par devoir de transparence du réseau et enfin les chercheurs, qui pourront se servir de ces résultats pour générer des hypothèses de recherche et les vérifier par la suite grâce à des études spécifiques et mieux orientées.

(1) Maître de conférences en médecine interne des Equidés à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse