Surveillance syndromique – Bulletin n°32

par Pascal HENDRIKX (1), Agnès LEBLOND (2)

La surveillance syndromique est une approche récente qui se développe de manière importante depuis le début des années 2000.

Un projet européen dédié à la surveillance syndromique (Triple S – www.syndromicsurveillance.eu) propose une définition précise de cette surveillance :

La surveillance syndromique peut être définie comme la collecte en temps réel (ou proche du temps réel), l’analyse, l’interprétation et la diffusion de données en relation avec la santé pour permettre la détection précoce de l’impact (ou de l’absence d’impact) de risques potentiels pour l’homme ou l’animal qui nécessitent une action de santé publique.
La surveillance syndromique est fondée non pas sur des diagnostics confirmés au laboratoire mais sur des indicateurs de santé non spécifiques y compris des signes cliniques, des symptômes ainsi que des mesures indirectes (par exemple, l’absentéisme, les ventes de médicaments, les baisses de production animale) qui constituent un diagnostic provisoire (ou « syndrome »).
Les données sont généralement collectées à des fins autres que la surveillance et, si possible, sont générées automatiquement afin de ne pas imposer un contrainte supplémentaire aux fournisseurs de données. Cette surveillance a tendance à être non spécifique,  sensible et rapide, et peut augmenter et compléter les informations fournies par les systèmes de surveillance basés sur des tests traditionnels.

Les objectifs assignés à la surveillance syndromique sont donc la détection précoce de phénomènes émergents dans le but d’assurer une réaction rapide et l’analyse de l’état de santé de la population dans le but de vérifier le maintien du niveau de santé et de pouvoir suivre l’impact d’un événement sanitaire (Josseran and Fouillet, 2013).

Analyses de données populationnelles

Dans la pratique, les dispositifs de surveillance syndromique se fondent sur le principe de l’utilisation de données populationnelles souvent volumineuses, acquises généralement pour d’autres objectifs et compilées de manière automatique pour en faciliter et accélérer l’utilisation. C’est le cas par exemple des données d’équarrissage pour suivre la mortalité bovine dans le cadre de l’Observatoire de mortalité des animaux de rente (OMAR)(Perrin et al., 2012). L’exploitation de données existantes présente l’avantage d’un coût faible, d’une très bonne acceptabilité des acteurs qui ne sont pas spécifiquement sollicités dans la phase de collecte et d’analyse des données et la valorisation scientifique de données existantes.

Une surveillance non spécifique

Le caractère non spécifique indique que les indicateurs suivis ne sont pas spécifiques d’une maladie (un syndrome, la mortalité, une baisse de production) et qu’ils ne sont pas suivis pour détecter une maladie spécifique. C’est bien le suivi de ces indicateurs au niveau de la population qui caractérise la surveillance syndromique. On les représente généralement par une courbe indiquant l’évolution de la quantité d’événements dans le temps pour détecter le moment (seuil) où cette évolution sera considérée anormale et essayer de l’expliquer. C’est cette particularité (déclenchement d’investigations complémentaires après dépassement d’un seuil) qui fait la différence avec un dispositif de surveillance événementielle clinique classique comme celui de la fièvre aphteuse chez les bovins qui repose bien sur la détection d’un syndrome (ptyalisme, fièvre, boiterie, contagion) mais qui est géré par le déclenchement d’une suspicion et d’une analyse à chaque cas et non pas de manière populationnelle comme dans le cas de la surveillance syndromique. Pour la surveillance du West-Nile chez le cheval, on fait de la surveillance syndromique lorsque l’on suit l’évolution du nombre des syndromes nerveux détectés et qu’on lance une alerte à partir du dépassement d’un seuil (Leblond et al., 2007), mais de la surveillance classique lorsque chaque syndrome nerveux représente une suspicion du virus de West-Nile conduisant à une analyse de laboratoire.

L’identification de seuils de détection

Le plus communément, l’analyse des données se fonde sur des analyses statistiques complexes et automatisées. C’est le cas par exemple du projet OMAR pour lequel le développement d’algorithmes de détection d’anomalies permet d’identifier des différences statistiquement significatives des taux de mortalité des bovins. L’enjeu et la difficulté de ces méthodes est de pouvoir déterminer les niveaux de base et identifier les équations appropriées permettant de générer des alertes qui soient pertinentes en termes de précocité et de spécificité des événements détectés. Ces travaux de modélisation nécessitent souvent d’avoir un jeu de données conséquent tant par la taille de la population incluse que par la durée de la collecte (plusieurs années sont souvent nécessaires).

Malgré le phénomène de mode, force est de constater que les véritables dispositifs de surveillance syndromique opérationnels dans la durée en santé animale sont encore peu nombreux (Hendrikx et al., 2012).

Bibliographie :

Hendrikx, P., Perrin, J.B., Dupuy, C., Calavas, D., Dufour, B., 2012, Typologie des dispositifs de surveillance syndromique. Epidemiol Sante Anim 62, 117-126.
Josseran, L., Fouillet, A., 2013, Syndromic surveillance: Review and prospect of a promising concept / La surveillance syndromique : bilan et perspective d’un concept prometteur. Rev Epidemiol Sante Publique, Article sous presse.
Leblond, A., Hendrikx, P., Sabatier, P., 2007, West Nile Virus Outbreak Detection Using Syndromic Monitoring in Horses. Vector Borne Zoonotic Dis 7, 3, 403-410.
Perrin, J.-B., Ducrot, C., Hendrikx, P., Calavas, D., 2012, Projet d’observatoire de la mortalité des animaux de rente: une nouvelle approche de la surveillance. Point Vet 325, 56-60.

(1) Anses Maisons-Alfort, Membre du CST du RESPE
(2) INRA, Vetagro Sup, co-responsable du sous-réseau Syndrome Neurologique