Une cellule de crise particulière : problématique des piroplasmoses en vue d’exportation au Japon – bulletin n°38

par Bénédicte FERRY (1)

Les piroplasmes sont des parasites endémiques en France qui pénalisent de façon non négligeable le commerce international pour la filière équine française. La fermeture récente du marché japonais en est un douloureux exemple. Il s’avère en effet très difficile de garantir l’absence totale de Theileria equi chez des équidés exportés malgré la multiplication des tests préalables aux expéditions car ce parasite peut être présent dans l’organisme à l’état quiescent et indétectable. Le RESPE, d’abord mobilisé en cellule de crise au moment de la fermeture de ce marché en février, continue à s’investir pour aider l’exportateur à organiser la sélection des poulains à exporter et tenter de maintenir un marché très prometteur pour la filière Trait française.

Déroulement des faits

L’importation au Japon de chevaux vivants depuis la France a été fermée en février 2016 suite à l’expédition d’un lot de 149 poulains de trait dont 24 ont été dépistés positifs aux piroplasmoses par les japonais au cours de la quarantaine effectuée après leur arrivée. Ces poulains commercialisés par la Société Française des Equidés de Travail (SFET) pour être engraissés au Japon provenaient en priorité des Pyrénées. L’expédition a eu lieu le 2 février 2016 à l’issue d’une quarantaine et de tests de dépistage réalisés conformément au protocole négocié avec le Japon et tous négatifs. Le Japon, indemne de piroplasmoses et très vigilant vis-à-vis de ces parasites, a informé aussitôt la France de la fermeture aux exportations définitives de chevaux depuis la France dans l’attente d’une analyse de la situation. Les exportations temporaires sont restées possibles.

Il s’avère que le dépistage de piroplasmose sur le lot arrivé au Japon a été effectué par PCR, technique différente et plus sensible que celles exigées par le protocole (examen microscopique, fixation du complément et Immuno-fluorescence) et mises en œuvre en France pour sélectionner les chevaux à expédier.

Appui technique du RESPE

Pour préparer les mesures correctives à proposer aux autorités sanitaires japonaises afin d’obtenir la réouverture du marché japonais, l’Ifce qui assure pour la Dgal depuis 2011 une mission d’appui à l’exportation pour les équidés et semences équines, a proposé de mobiliser les épidémiologistes du RESPE. C’est ainsi que plusieurs réunions téléphoniques ont été organisées très rapidement, mettant autour de la table un panel d’experts1 en parasitologie et en épidémiologie des piroplasmoses pour expertiser la situation et aider la SFET à élaborer une stratégie de sélection des poulains. Le groupe d’experts a élaboré un premier document de synthèse ; ce court mémo de 2 pages reprenait les éléments épidémiologiques de contexte et d’environnement pouvant expliquer l’expédition de poulains positifs, listait les zones d’ombre relatives aux dépistages effectués au Japon et établissait de premières préconisations pour améliorer la sélection des poulains. De l’avis des scientifiques, il s’avère impossible de garantir totalement l’absence de piroplasmes chez des poulains élevés en plein air en France et les japonais doivent envisager la gestion d’éventuels cas positifs à leur arrivée sur leur territoire. Un protocole élaboré par les experts du RESPE pour la sélection sanitaire de poulains de trait destinés à la boucherie a été validé fin juin par les représentants de la filière. Une convention a également été passée entre le RESPE et la SFET pour assurer la fiabilisation et la valorisation de toutes les données épidémiologiques liées à la sélection sanitaire des poulains commercialisés vers le Japon. Cette banque de données originale et conséquente permettra également d’améliorer les connaissances sur l’épidémiologie de cette maladie en France.

Evolution du protocole Japon

La Dgal a adressé, dès la fin mars, une proposition de mesures correctives au ministère japonais et notamment l’utilisation conjointe de la PCR et de l’IFAT2 (ou de l’ELISA) pour les dépistages des piroplasmes en quarantaine pré-exportation.

C’est seulement le 4 juillet que la réponse du ministère japonais a été reçue,  les nouvelles exigences consistant en :
–    un dépistage des piroplasmoses, dans les 7 jours avant leur entrée en quarantaine ainsi qu’un traitement anti-tiques, sur tous les équidés présents dans un établissement de pré-quarantaine où la piroplasmose ne doit pas avoir été mise en évidence dans les 3 derniers mois ;
–    puis un isolement de 60 jours avec de nouveaux dépistages des piroplasmoses, entre autres maladies, dans un établissement où la piroplasmose n’a pas été mise en évidence dans les 3 derniers mois.

Ces conditions sont réellement très contraignantes car chaque dépistage d’un équidé positif en pré-quarantaine ou en quarantaine oblige à prolonger l’isolement de 3 mois supplémentaires…

Au moment de la parution de ce bulletin, les négociations restent en cours, pour tenter notamment d’obtenir des conditions moins contraignantes pour les chevaux de sport ou course dont l’environnement et le statut sanitaire sont très différents de ceux des poulains destinés à la boucherie.

Conclusion

Avoir pu mettre en place une expertise épidémiologique ciblée pour répondre à cette situation de fermeture du marché japonais correspond à une nouvelle forme de « cellule de crise sanitaire » du RESPE. La réactivité et l’expertise de cet outil associatif est un véritable atout pour la filière équine. Un travail à plus long terme aux cotés de la SFET reste encore à mener vis-à-vis de cette problématique complexe des piroplasmoses pour conforter le marché des poulains de viande vers le Japon ; quelle qu’en soit l’issue définitive, les enseignements qui seront tirés de ce travail bénéficieront à toute la filière équine.

Précisions sur l’épidémiologie des piroplasmoses
dans le contexte des poulains expédiés au Japon

Les « piroplasmoses » équines sont dues à deux parasites Babesia caballi et Theileria equi qui n’ont pas la même épidémiologie :
–    Babesia caballi et Theileria equi sont normalement transmises par des tiques adultes dont certaines (Rhipicephalus sanguineus) pourraient se maintenir au sein même de la zone de rassemblement dans les conditions qui ont été pratiquées pendant la quarantaine (en stabulation libre sur sol bétonné et paillé avec distribution de foin).
–    Les infections par Babesia caballi étant limitées dans le temps, leur détection par PCR ou examen microscopique n’est possible généralement que pendant un temps court ce qui est en faveur d’une contamination tardive par ce parasite.
–    Les infections par Theileria equi peuvent par contre être très durables avec des phases quiescentes ou occultes ou non cliniques des parasites qui deviennent transitoirement difficilement détectables puis qui peuvent resurgir suite à différents stress comme le transport.
–    Contrairement à Babesia caballi, les modes de transmissions de Theileria equi sont multiples : transmission biologique possible par des tiques adultes mais aussi par voie mécanique par des stomoxes (mouches piqueuses) ou des taons, par voie iatrogène et également transmission in utero.

1 Participants de la cellule de crise : Patrick Bourdeau (ENVN-ONIRIS), Gilles Bourdoiseau et Jean-Luc Cadoré (VetAgroSup), Sophie Pradier (ENVT), Pierre Hugues Pitel et Loïc Legrand (LABEO Frank Duncombe), Jean-Yves Gauchot, François Valon et Christel Marcillaud Pitel (RESPE),  Marie Foucquier (SFET), Laurence Cornaille et Bénédicte Ferry (Ifce)
2 Immuno Fluorescent Antibody Test

(1) IFCE

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